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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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notre
croisade en Barbarie qui nous ouvrira la voie du Saint-Sépulcre. Dieu le veut !
Le roi l’exige !
    Ainsi, Charles VI, souverain, conclut son
petit souper en son hôtel.
    L’angoisse qui l’avait quittée étreignait de nouveau
la gorge d’Isabelle, à l’étouffer.

7
La Saint-Valentin
    Nous autres avons coutume de haïr ceux que nous savons contre
nous, et les attaquer d’abord. Qu’il puisse acquérir, par quelques gens, honneur,
prébendes ou terres, nous étudions par quelle échelle il a pu monter, et pour
mieux le vaincre, nous le diffamons en trahison auprès de ses bienfaiteurs, et
nous ainsi coupons les échelons pour sa chute avant qu’il ne s’en doute. Car si
nous lui nuisions ouvertement, nous en serions blâmé, et nous voulons
réprimander tout le monde, mais nous ne voulons entendre de réprimande de
personne.
    Roman de la Rose , Jean de Meung
    Isabelle courait le long de la galerie des Chasses,
les porte-flambeaux qui l’accompagnaient avaient peine à la suivre. Elle avait
laissé derrière elle la douce Ozanne, qui assistait le roi à son coucher. Elle
courait comme elle courait sur les chemins escarpés de sa Bavière, à la façon
des chevrettes sauvages de ses montagnes, vives et bondissantes, libres. Il lui
en avait coûté de brider sa jeune nature pour feindre l’allure compassée qu’elle
devait à son rang. En cet instant, elle jetait aux orties sa majesté, elle n’était
plus qu’une femme amoureuse qui se précipitait à corps perdu vers son amant. Il
lui fallait voir Bois-Bourdon, absolument, elle le ferait mander de quelque
façon que ce soit, elle irait le chercher elle-même s’il le fallait. Son besoin
de lui était si impérieux qu’elle en oubliait toute prudence. Et les éclaireurs
renoncèrent à la suivre alors qu’elle s’engouffrait dans son hôtel de la
Pissotte, sachant que d’autres prendraient la relève.
    Cependant, les lieux étaient étrangement déserts, sombres
et silencieux. S’il n’y avait eu les torches murales qui brûlaient, elle aurait
été plongée dans une totale obscurité. Enfin, elle émergea, hors d’haleine, dans
le corridor qui menait à ses appartements. Dans l’antichambre, sa chambellane l’attendait,
seule. Isabelle se jeta vers elle, mais avant qu’elle ne puisse dire un mot, Catherine
lui dit simplement : « Il t’attend ! »
    Isabelle se précipita vers sa chambre. La fidèle
amie d’enfance de la reine avait veillé à renvoyer les dames d’atour, les
valets et autres chambellans en leur logis, alléguant que leur souveraine
resterait chez le roi pour la nuit.
    Elle referma la double porte, et rabattit l’épaisse
tapisserie, qui réchauffait le seuil, sur le secret des amants.
     
    Isabelle était dans les bras de Bois-Bourdon qui l’étreignait
à étouffer son souffle, qu’elle avait déjà court. Ils restèrent un instant
prisonniers d’eux-mêmes, une seule entité d’amour et de détresse. Le visage
penché, collé sur les lourdes nattes en volutes qui encadraient les joues de
son amante, il l’entendit balbutier le nom du sire de Craon avec fureur. Comment
pouvait-elle le savoir ? Qui pouvait lui avoir appris le crime de ce félon ?
    Le sire de Graville l’écarta légèrement de
lui.
    — Qu’a donc fait le sire de Sablé ?
    — Il veut te prendre à moi ! jeta-t-elle
en reprenant sa respiration.
    « Jamais ! » avait-elle crié
imprudemment. Elle hésita à lui faire part de sa trop vive protestation, et
préféra celer pour l’instant sa maladresse de peur de le fâcher.
    — Mais sois sans crainte, reprit-elle devant son
air de profonde stupeur, Louis s’en est fâché, il a répondu à Craon qu’il s’en
chargerait lui-même.
    Louis d’Orléans voulait se charger lui-même de
cette basse besogne ? Cela était totalement extravagant.
    — Mais où les as-tu entendus ? insista
Bois-Bourdon qui n’arrivait toujours pas à croire ce qu’il entendait.
    — À la table du roi, pardi ! s’impatienta-t-elle
en s’arrachant à lui.
    Elle rejeta rageusement sa pelisse sur un des
coffres, ôta de même le ruban emperlé qui enserrait son front et sa coiffe fait
d’un léger voile de samit qui s’envola au vent de son agitation.
    — Mais je ne laisserai pas faire ! dit-elle
en attrapant la voilette légère d’un geste prompt.
    Bois-Bourdon était totalement abasourdi. La chose
lui paraissait impossible, on ne parlait pas ainsi ouvertement d’un assassinat.
Il

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