Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
Vom Netzwerk:
aujourd’hui le fer de
lance de la conquête ottomane. C’est pourquoi j’en reviens et j’en appelle
encore à un nouvel ordre, où la foi et l’obéissance seraient les piliers du
serment juré de nos nouveaux croisés.
    — J’y pourvoirai, dit le roi qui semblait
reprendre intérêt à la conversation, avec l’aide de Dieu. Quant au Grand
Schisme, ce serait bien le diable s’il n’y avait moyen d’accorder nos deux
papes autour d’une cause aussi sacrée.
    — Certes, intervint Jean de Montaigu qui
n’avait pas encore ouvert la bouche, l’ordonnance de nos forces et la division de
la Chrétienté sont bien les pierres d’achoppement de votre royale croisade, mais
elles ne sont pas les seules, hélas ! Pardonnez mon audace, sire, continua
le Grand Argentier qui profitait de ce moment de vigilance du roi, mais il est
de mon devoir de vous dire que votre règne est fort dispendieux. Les fêtes
inconsidérées de l’année passée et votre voyage du Midi ont lourdement endetté
vos gens comme votre clergé, et mis à sac le Trésor royal. Encore pardon, monseigneur,
mais dans votre prodigalité envers tous ceux qui vous sollicitent, là où votre
père eût donné cent écus, vous en donnez mille.
    Les Marmousets, anciens ministres de Charles V,
ne mâchaient pas leurs mots. Têtes politiques, ils avaient connu le roi dauphin.
    — Faut-il que j’oublie le neuvième
commandement de la chevalerie ? rétorqua le roi en rougissant de colère.
« Tu seras généreux et feras largesse à tous ! »
    — Et prétendez-vous que notre chevalerie a
également oublié le sixième ? « Tu feras aux infidèles une guerre
sans trêve et sans merci », récita à son tour Louis d’Orléans avec hauteur.
Nos serments jurés nous font soldats du Christ de par notre nature. La croisade
est notre devoir et notre droit.
    — Vos plumes sont devenues plus grandes que
le nid, railla Jean la Grâce. Pas plus de cervelle que celle d’un paon qui fait
la roue.
    Un ange passa, ou plutôt un démon. Isabelle
frissonna, sentant son beau-frère prêt à sauter à la gorge de son chapelain. Un
cor sonna la viande, sauvant la situation. Taillevent fit son entrée, suivi de
ses valets qui soutenaient un grand plateau d’argent où trônait justement un
paon rôti, empanaché de sa roue flamboyante, qui illustrait fort à propos le
dernier trait de Jean la Grâce. Des rires et des exclamations d’admiration
calmèrent les tensions et les convives applaudirent. Tandis que le plat était
disposé sur un présentoir entre les tables en U, dans l’arôme subtil du secret
de ses épices, le célèbre cuisinier salua, comme un histrion. Taillevent se
voulait à l’image de la noblesse, et ses hauts faits d’armes et son honneur se
tenaient dans les cuisines.
    — Mon ami, vous faites bien des merveilles, lui
sourit Charles en se détendant quelque peu.
    Alors que les écuyers tranchants s’affairaient à
découper la viande parfumée en fines lamelles, le connétable reprit la parole.
    — Pourquoi porter la guerre outre-mer alors
que les Turcs sont en Europe aux portes du Saint Empire ? Ils sont dans
les plaines du Danube, Bazajet [36] vient de prendre
Kosovo, il a la fatuité de prétendre atteindre bientôt la France après avoir
fait paître son cheval sur l’autel de Saint-Pierre de Rome.
    — Bah ! laissons-le faire, s’esclaffa
Louis d’Orléans. Il nous débarrassera d’un pape de trop.
    — Qui est de trop ? s’enflamma soudain
Valentine Visconti en foudroyant son époux du regard.
    — Tout doux, madame, tempéra le sire de Sablé,
se voulant aimable. Vous êtes italienne et en tenez naturellement pour le pape
Boniface de Rome, tout le monde ici connaît votre parti.
    — Ce qui n’est pas ton cas, Craon, brama
brusquement Olivier de Clisson, comme ton maître, Montfort, duc de Bretagne !
Et de quelle obédience est-il ce jour d’hui, votre duc ? Avignon ? Rome ?
Cela dépend vers quelle rive il se tourne de chaque côté de la Manche.
    — M gr  le duc de Bretagne
est d’obédience clémentiste, comme son suzerain, notre roi Charles VI, lui
répliqua le sire de Craon.
    — Et à ce vent-là, il a le tournis, Montfort !
continua Clisson comme si cette interruption était négligeable. Et il y a du
vent en Bretagne, vous pouvez m’en croire messeigneurs, foi de Breton !
    N’y tenant plus, il se leva si brusquement qu’il
renversa son siège, et se mit à déambuler en

Weitere Kostenlose Bücher