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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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jurés de leur adoubement, afin de mettre Dieu de notre
côté.
    Toutefois, il ne fit pas allusion aux vœux du
soldat du Christ, évoqués la veille par le roi, et qui comptaient chasteté et sine
proprio. Dans toute guerre, après les massacres, les vainqueurs avaient le
droit de sinécure qui se traduisait par le pillage et le viol. Ce droit du
vainqueur semblait imprescriptible tant il existait de toute éternité.
    Mézières avait fini son intervention et avait
repris sa place lorsque des rires fusèrent, et qu’une voix lança dans l’assemblée :
« Et de quel côté Dieu pourrait-il être ? Avec les infidèles ? »
    Le rire fut général. Olivier de Clisson se
dressa alors de toute sa stature, le Boucher borgne en imposait, et les rires s’éteignirent.
    — Faut-il vous rappeler la mort de notre
grand Saint Louis sous les murs de Tunis [40]  ? et sa
glorieuse armée anéantie par la dysenterie ? Faut-il vous faire souvenir
de la chute d’Antioche, de Tripoli, d’Acre, possessions chrétiennes en terres
islamiques, perdues depuis plus de cent ans ? Où était Dieu alors ?
    L’assemblée se souleva dans une houle d’indignation.
    — M. de Mézières a raison : foi,
obéissance et surtout… humilité, scanda le connétable de son organe de stentor.
Les voies du Seigneur sont impénétrables ! Et maintenant, enchaîna-t-il, si
nous parlions de la force de nos armées ?
    Le représentant de la délégation génoise se leva, et
entreprit d’assurer qu’ils avaient dans leur port quatre-vingts vaisseaux et
galères, deux mille hommes d’armes, mille arbalétriers et autres matelots
certifiés, et garantirent que le commandement en serait donné à Jean d’Outremarin,
qui portait bien son nom tant il était habile homme, sachant manœuvrer voiles
et rameurs, affronter les tempêtes et éviter les écueils.
    Charles VI engagea à son tour le concours de
son amiral Jean de Vienne. Les plus illustres chevaliers présents au
Conseil se proposèrent, piaffant d’enthousiasme : Philippe d’Artois, le
sire d’Albret, le sire de Coucy et bien d’autres encore proposèrent leurs
lances et leurs viatiques. Le dernier qui se leva fut le duc d’Orléans.
    — Je propose trois mille hommes avec l’aide
de mon beau-père, le seigneur de Milan. Comme mon frère le roi, je n’en
serai point, il y a moult décisions et dispositions qui nous retiennent céans.
(Louis semblait se mettre en politique au même niveau que le souverain, et
certains, perspicaces, en notèrent l’arrogance.) Aussi je confie le
commandement de mon ost de Tunis au plus méritant de cette cour, tant il a su
être le garant de notre reine bien-aimée, je nomme le sire de Bois-Bourdon,
seigneur de Graville et sénéchal du Berry.
    Isabelle se roidit sous le coup qu’elle n’attendait
plus, un froid intense l’envahit. La lividité de son visage ne fut perçue par
personne, tant ils étaient tous dans l’excitation de la croisade en Barbarie, exceptés
Craon qui souriait de son air fat, et Louis d’Orléans qui se tourna vers elle
un bref instant, avant de reprendre sa place, la mine rembrunie de doute et de
jalousie.
    *
    Si les princes des Fleurs de lys se firent
remarquer par leur absence, ils n’étaient pourtant pas très loin.
    Tandis que se tenait le Grand Conseil à l’Hôtel
solennel des Grands Ébattements, une autre réunion avait lieu au château de
Nesle, proche de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, en bordure de Seine à l’ombre
des fortifications de Paris. Les princes de sang, exclus depuis deux ans, tenaient
aussi conseil : le placide et pansu Jean de Berry, dit le Camus,
seigneur des lieux ; son cadet le duc de Bourgogne de robuste stature,
dit aussi Philippe le Hardi, était accompagné de son fils aîné, l’ombrageux
Jean de Nevers.
    Ce dernier, entre autres ressentiments qu’ils
avaient tous trois en commun, couvait une haine particulière contre le duc d’Orléans,
une jalousie féroce enracinée depuis l’enfance. Tels Caïn et Abel, il semblait
que Dieu avait créé Jean de Nevers tout exprès pour haïr Louis d’Orléans. Le
Seigneur avait conçu l’un aussi brillant dans le monde et chanceux auprès des
dames que l’autre était malaisé en cour, et dont les silences couvaient un
caractère violent. Louis était beau et de taille élancée, Jean était court et
laid avec son visage prognathe qu’il tenait de son père et de sa dynastie. Rien
ne pouvait mieux

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