Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
Vom Netzwerk:
gesticulant et en braillant de sa
voix de tribun :
    — Montfort, mauvais duc. Montfort, mauvais
vassal. Montfort qui se dérobe sans cesse à rendre l’hommage qu’il doit à son
roi, et qui bat sa propre monnaie à son effigie contre toutes les règles de la
féodalité. Montfort qui se fait un devoir de toujours contrarier les affaires
de la France. Montfort qui prospère dans la trahison à l’ouest du royaume. Montfort
enfin qui me doit toujours cent mille francs et les places fortes qu’il m’a
extorquées par félonie en son château de l’Hermine.
    Pour une sortie, c’était une sortie. Chacun
pouvait s’y attendre, mais tous en restèrent stupéfaits tandis qu’ils
regardaient le connétable se rasseoir lourdement dans le siège qu’avait relevé
un valet. Clisson récupéra son hanap, but un grand coup de son vin de Suresnes,
et poussa enfin un immense soupir satisfait :
    — Pardon, messeigneurs, mais ça fait du bien.
    D’une seule tête, comme les assistants d’un jeu de
paume qui suivent la balle des yeux, ils se tournèrent, inquiets, vers le roi.
    Et la noble assemblée en resta encore plus étonnée :
le roi était secoué d’un fou rire muet et inextinguible. Il riait tant qu’il en
devenait cramoisi.
    Le roi avait-il une de ces crises nerveuses dont
il était coutumier ?
    — Pardonnez-moi de même, hoqueta-t-il enfin, la
voix nouée dans les aigus, mais il est vrai que ça fait du bien.
    Toutes les têtes se tournèrent à nouveau alors qu’un
hennissement retentissait au bas bout de la table : Jean la Grâce se
tapait sur les cuisses en hurlant de rire à son tour. L’effet devint contagieux,
Clisson enchaîna de ses gloussements sonores, et peu à peu toute l’assemblée, même
les plus doctes convives, fut gagnée par le fou rire du roi.
    Tous, sauf un. Craon se levait lentement, le
visage blême. Son éternel sourire s’était effacé, laissant à découvert son
court menton belliqueux.
    — Au nom de mon cousin, Jean de Montfort,
duc de Bretagne, je demande raison au connétable de Clisson !
    — Je vous le défends bien, pas de duel à ma
cour, intervint Charles VI, en reprenant son souffle.
    Chacun retrouvait peu à peu ses esprits, lorsque
le roi ajouta dans une nouvelle explosion de rire :
    — Il ferait beau voir que je vous laisse
affronter en combat singulier notre redoutable Boucher borgne.
    L’hilarité générale reprit de plus belle. Ulcéré, Craon
s’apprêtait à vider les lieux quand sa voisine, Valentine Visconti, le retint
par la manche.
    — Restez, seigneur de Sablé, lui
dit-elle en réprimant son propre rire qui l’en faisait pleurer, n’en prenez pas
ombrage. Ce n’est pas un mystère, même en Italie, que le duc de Bretagne
défie sans cesse le roi de France. Le dire n’est pas offense.
    — C’est offense, murmura haineusement Craon
en se rasseyant. Mais cela en serait une autre à ne pas vous complaire, madame,
lui dit-il en lui baisant la main.
    — Mais je ne sais pas tout, demanda en
confidence Valentine qui s’essuyait les yeux d’un revers de main. Que veut dire
Clisson avec la félonie du château de l’Hermine ?
    — Bah ! soupira-t-il, encore un de leurs
petits différends. Il y a quelque deux ans, Montfort et Clisson, ennemis
irréductibles, paraissaient réconciliés. Le duc de Bretagne invita ce
dernier audit château qu’il faisait construire. Mais la chose fut fâcheuse, Olivier
de Clisson s’y retrouva prisonnier, pieds et poings enchaînés. Il n’échappa
à la menace de la potence qu’en payant cent mille francs or, et au prix de
certaines de ses places fortes en Bretagne. Notre roi en fut fâché pour son
connétable, et ordonna à mon duc de rendre places et argent.
    — Ce qui reste à faire, souligna Valentine
qui songeait qu’il ne s’agissait pas là d’un petit différend, mais bien d’une
odieuse forfaiture.
    — Vous avez tout compris, madame, et savez
tout sur l’Attentat de l’Hermine, lui répondit-il en lui baisant la main avec
un nouveau sourire.
    Le roi se leva, et calma d’un geste les quelques
rires qui fusaient encore.
    — Messeigneurs, belles dames, à votre respect !
    Charles VI fit encore taire d’un signe les
violes et flûtiaux. Le silence se fit, total. Gravement, les mains sur les
hanches, il se mit à marcher autour des convives attentifs et déclara
solennellement :
    — Nous ne sommes pas prêts, monsieur de Mézières ?
nous le serons. Monsieur

Weitere Kostenlose Bücher