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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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qu’elle avait été refusée à Louis d’Orléans. Soumis à son
père comme il se le devait, Nevers s’inclina en rongeant son frein. À l’instar
de la devise de Philippe le Hardi, « Il me tarde ! », il
tardait à son fils d’être en titre duc de Bourgogne : Orléans allait
alors le connaître.
    *
    Ce même soir, le sire de Bois-Bourdon s’arrangea
pour croiser la route du seigneur de Craon. Le Breton eut un léger geste
de recul, mais devant la courtoisie du salut du sire de Graville, il y
répondit pareillement, tout en se tenant sur ses gardes.
    — Je vous dois grand remerciement, monsieur, n’est-ce
point à vous que je dois cet honneur ?
    Le sire de Sablé fut soulagé, supposant que
son interlocuteur parlait de son nouveau commandement.
    — Tout revient plutôt à vos mérites, messire,
vous étiez trop grand chef de guerre pour vous morfondre en ces lieux.
    — Serez-vous de cette croisade, sire de Sablé ?
    — Je me dois à Mgr d’Orléans, si marri
de devoir demeurer.
    — Certes ! acquiesça Bois-Bourdon en
faisant mine de s’éloigner.
    Mais il sembla se raviser et prit familièrement
Craon par les épaules, celui-ci se raidit, à nouveau sur la défensive.
    — Il serait dommage, lui souffla le chevalier
d’un ton grivois, que vous manquiez une si bonne fortune en prenant la croix.
    — De quelle fortune parlez-vous ?
    — Vous faites le modeste, mais l’on sait bien
en quelle amitié vous tient la duchesse Valentine.
    — Très bonne amitié, il me semble, balbutia
le Breton, ne comprenant pas où ce sombre chevalier voulait en venir.
    Bois-Bourdon regarda autour de lui comme pour s’assurer
qu’ils étaient seuls, et lui dit en baissant encore la voix :
    — Les Italiennes, réchauffées aux parfums du
Sud, ont une odeur de paradis, vous pouvez m’en croire. Elles sont ardentes et
fort bavardes au lit, lui glissa-t-il dans l’oreille, franchement égrillard. Une
ravissante Lombarde, en ma plaisance, m’assure que sa maîtresse, madame
Valentine, vous aime d’amour, et qu’elle se désespère de votre froideur. Mais, chut !
n’ayez crainte, je serai là-dessus muet comme une tombe.
    Sur ce, Bois-Bourdon le quitta, le laissant médusé.
     
    Le sire de Graville s’éloignait à grands pas
après avoir tendu ses rets. Ses yeux avaient perdu leur feinte amabilité, ils
lançaient des éclairs à incendier toute une forêt. « Va en enfer, Craon, cracha-t-il
par-devers lui, je t’y attends, j’y suis déjà ! »
    Il connaissait trop ces courtisans bouffis de
suffisance, et le Breton en était un de la pire espèce, perdu de sexe et de
vices. À se croire aimer de la duchesse d’Orléans, sa fatuité n’y résisterait
pas. Alors Craon verrait ce qu’il en coûte d’attenter à l’honneur de la femme
de son seigneur, et quel serait son destin s’il outrageait la fière Valentine
Visconti de ses assiduités. Le ver était dans le fruit, il suffisait de le
laisser pourrir.
    Par ce piège, dont il n’attendait qu’une basse
vengeance, Bois-Bourdon n’imaginait pas que le vent mauvais qu’il voulait voir
souffler sur Craon allait, du même coup, ravager la France.

8
Annus horribilis
    Il ne peut y avoir naturellement que sept planètes. Les
planètes sont le Soleil, la Lune, et les cinq planètes du système solaire
connues des anciens : Mars, Mercure, Jupiter, Vénus et Saturne, qui sont
toutes à l’origine des noms de la semaine, qui compte sept jours.
    Voilà la raison que l’on peut évoquer pour démontrer
qu’il ne peut avoir que sept planètes en réalité.
    Raymond Lulle [42]
    L’Hôtel solennel grouillait d’une activité de
fourmilière. Le gros du charroi, tiré à la lenteur des bœufs, arrivait enfin du
Midi, avec ses compagnies de gens d’armes qui les défendaient des brigandages. Il
déversait ses chargements de meubles, coffres, tapisseries et autres objets
précieux, et l’on s’affairait à en regarnir les logis à la grande satisfaction
de leurs hôtes, qui s’égosillaient à lancer des ordres et des recommandations affolées.
Taillevent manifestait son contentement à grands coups de gueule dans la cour
des cuisines de l’hôtel du roi, il retrouvait ses queues de bouche avec les
chaudrons, broches, vaisselles et ses plats armoriés, ses inestimables sacs d’épices
et pains de sucre, et ses indispensables ustensiles de cuisine.
    On était à la Saint-Aubin, au premier jour de mars
de l’an du Seigneur

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