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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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comparer ce jeune prince qu’à cette race irritable de petits
taureaux râblés et noirs de poil, qui sévissaient à l’état sauvage entre les
bras marécageux du delta du Rhône. Orléans, lui, ressemblait à un daguet [41] dont les andouillers commençaient à pousser, et s’annonçaient de belle taille.
    Quant aux oncles du roi, tout leur avait été
permis jusque-là. Ils avaient sans vergogne abusé de la jeunesse de leur royal
neveu pour disposer à leur gré du Trésor de France. Et quand l’un, conquérant insatiable,
détournait la guerre à son profit comme Bourgogne, l’autre, fastueux esthète
comme Berry, dévoyait la paix en pillant les provinces comme celle du Languedoc.
Mais il est rare de reconnaître ses propres erreurs, il est plus facile d’en
accuser les autres. Aussi n’y avait-il pas plus revanchards en ce royaume :
ils ne pouvaient tolérer leur abaissement.
    L’exécration des oncles visait particulièrement
les Marmousets, ces vieux ministres de basse extraction, ces bourgeois enrichis,
aujourd’hui comptables des affaires de l’État en leurs lieu et place. Mais leur
rancœur portait surtout sur la personne d’Olivier de Clisson, connétable
de France ; véritable maître du royaume, il avait toutes les faveurs de Charles VI.
Et les princes des Fleurs de lys complotaient en ce jour à discréditer les uns,
et à abattre l’autre.
    Les ducs avaient leurs oreilles à la Cour, et déjà
le projet de la croisade en Barbarie avait filtré hors de l’Hôtel royal. Il
fallait y faire échec. Philippe le Hardi résolut d’en soustraire le gros
de sa chevalerie, le déficit en force serait grand.
    — Certes, toi tu le peux, ergota le Camus
qui devait son surnom à son nez camard, en forme de bouton de marmite fiché
dans un visage de pleine lune à triple menton. Tu as toujours été prompt à convoquer
le ban et l’arrière-ban de ton empire, il y allait d’ailleurs de tes intérêts. Alors
que moi, c’est la paix qui m’enrichit, et j’ai courroucé trop souvent notre
neveu par la lenteur ou la désaffection de mon ost. Et il serait fâcheux de
faire accroire que nous sommes liés ensemble contre ce saint projet. D’ailleurs
n’avons-nous pas tous avantages à rénover le commerce en Méditerranée ? Sa
ruine est dommageable à tout l’Occident. Jouons-la plus finement, ne défions
pas de front les désirs du roi. Et accordons-nous sur le reste.
    Son frère en convint. Il serait d’ailleurs fort
délicat d’empêcher ses gens de se croiser contre leur vouloir. Avant d’être ses
vassaux, ils étaient ceux du roi.
    Il fut décidé de flatter celui-ci afin de ne pas l’indisposer
davantage à leur égard, tout en contrariant en sous-main les décisions
politiques et financières de ses ministres, et d’y faire échec si cela était en
leur pouvoir. Il fallait discréditer les Marmousets de toutes les manières qui
soient, afin de mécontenter le roi contre ceux-ci.
    Quant à Olivier de Clisson, il calomniait en
tout temps et en tous lieux le duc de Bretagne, Jean de Montfort. Et
le différend entre ces deux grands seigneurs bretons était devenu irréductible
depuis l’attentat de l’Hermine.
    « Fort bien, énervons encore le Boucher
borgne, s’entremirent les ducs de Berry et de Bourgogne, et caressons
le duc de Bretagne dans le sens du poil, nous caresserons du même coup son
alliée l’Angleterre. Attisons encore les querelles, donnons de l’ivraie à moudre
aux Marmousets et au connétable, en place de bons grains. »
    Cela était haute trahison, mais ces puissants
seigneurs n’en avaient cure. Tout était bon à emmêler les affaires de France au
grand dam du nouveau gouvernement et de son maître, Olivier de Clisson.
    Le jeune Jean de Nevers, rencogné dans l’ébrasement
d’une fenêtre, observait en silence le trafic des barcasses sur la rivière de
Seine en ruminant sa colère et sa déception. Il voyait bien que rien ne serait
fait contre Orléans, et que ce détestable prince, dans l’éventualité qu’il
pourrait bien s’asseoir un jour sur le trône de France, restait à ménager.
    — Je veux être de cette croisade, seigneur
mon père ! lança-t-il avec sa brutalité coutumière, en se retournant.
    Il avait appris que cet honneur avait été refusé à
son rival, qui enragerait du privilège de son cousin à mener les lances de Bourgogne.
    À sa grande colère, cette gloire lui fut refusée, pour
les mêmes raisons

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