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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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1390. Le temps était radieux, une goulée de printemps
trompait les oiseaux surexcités. Un foisonnement de vie agitait les ramures des
arbres et les fourrés des jardins, d’où surgissaient des trilles d’amour et un
inlassable pépiement, qui semblaient répondre à l’animation fiévreuse des
hommes.
    La reine était tout aussi affairée, et se donnait
sans compter à redonner vie à une demeure qu’elle venait d’acquérir : la
maison de Pont-Perrin. Hors de la résidence royale, le principal corps du logis
jouxtait le couvent des Célestins et se prolongeait du côté de la Seine, face
au port de Saint-Paul. La maison de Pont-Perrin était destinée à son frère, Louis
Wittelsbach d’Ingolstad de Bavière, qui s’était fait annoncer pour la
mi-mai. Isabelle ne l’avait pas revu depuis cinq ans, il avait alors dix-sept
ans, elle allait sur ses quatorze. Ils s’étaient toujours porté une mutuelle
affection, ce frère aîné aimait à la protéger et l’appelait « ma princesse ».
Cette heureuse nouvelle l’avait distraite de son obsession, elle ne pouvait ni
ne voulait croire à l’abandon de son amant. Dans ce déni, elle s’étourdissait
de travail, inspectait inlassablement les travaux afin que tout soit à la
convenance de son frère et de sa suite de belles dames et chevaliers
germaniques.
    — Voilà le nouveau capitaine de votre garde
tout trouvé, lui avait dit le roi, ravi que son beau-frère bavarois s’installât
en sa cour.
    Isabelle lui avait répondu par un grand sourire
forcé. Il était manifeste pour tous que le sire de Graville avait accepté
le commandement de l’ost de Louis d’Orléans. Elle n’en avait cure, elle seule
savait qu’il ne pouvait la quitter. Et, le soir tombant, fourbue, elle se
prenait alors à souhaiter désespérément la venue de Bois-Bourdon. Depuis le
Grand Conseil, elle n’avait fait que l’apercevoir, il semblait la fuir. Quel
parti avait-il pris ? En ce jour de la Saint-Aubin, exaspérée par cette
incertitude, elle avait fini par le faire mander officiellement une heure après
vêpres : il était encore le capitaine de sa garde et, à ce titre, il lui
devait obéissance.
    Une couple de semaines interminables s’étaient
écoulées depuis leur dernière étreinte. À vêpres, en sa chapelle privée, elle
avait suivi l’office en priant Dieu intensément qu’il lui garde l’homme qu’elle
aimait. Alors qu’elle l’attendait dans son petit retrait, où elle aimait se
tenir dans la solitude, elle priait toujours, le cœur battant.
    Le sire de Graville se présenta devant la
reine à l’heure et à ses ordres, introduit par la chambellane Catherine de Fastavavin.
À le revoir, le souffle lui manqua, tant elle sentit durement la distance qu’il
lui marquait. Elle vit bien qu’il avait pris sa résolution, mais elle n’en
voulut rien croire encore.
    — Serez-vous de cette croisade en Barbarie, monsieur ?
    — J’en serai, madame.
    — Cela ne se peut ! lança-t-elle. Je te
l’interdis !
    Le sire de Graville, bien planté dans ses
heuses, lui opposa la pâleur de son visage et un silence obstiné. Un silence
qui lui fut si insupportable qu’un sentiment de panique l’envahit. Elle déversa
sur lui son affolement dans un flot de commandements, de suppliques, de menaces
et même d’accusations.
    — On voit bien là, monsieur, que vous
préférez la gloire des armes à celui d’être aimé de la reine, termina-t-elle, à
bout d’argument.
    — Je n’ai de gloire que votre sauvegarde, madame.
    — Ma sauvegarde, alors que tu m’abandonnes ?
hurla-t-elle à la figure de marbre de Bois-Bourdon.
    Elle explosa d’une fureur désespérée, se jeta sur
lui, martela de ses poings sa passivité, s’acharnant à vouloir briser ce mur d’obstination
rigide, quitte à se briser elle-même. Elle s’effondra enfin contre sa poitrine,
sanglotant à perdre haleine.
    — Pourquoi ? gémissait-elle. Pourquoi ?
    Il referma ses bras sur elle, sans pouvoir
résister. Sa froide apparence masquait son déchirement intérieur, mais la
douleur était trop atroce, sa volonté chancelait. Il pressa le corps de sa bien-aimée
dame contre sa poitrine qui répercutait les hoquets de ses larmes. Elle s’accrochait
à lui comme une noyée. Il la sentait dans ses bras si fragile, si jeune, si
vulnérable. Il avait envie de hurler son impuissance, de maudire ce Dieu qui se
disait amour et qui pourtant les condamnait. Il n’avait pas

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