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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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épuisée, elle le laissa faire. Puis, sans s’en rendre compte, elle y
répondit, elle se rendit. Louis joua alors librement de ses lèvres et de sa
langue avec une douceur et une sensualité qui la jeta plus étroitement dans ses
bras. Elle était trop affamée pour ne pas vibrer. Il la sentit s’abandonner.
    Entre deux baisers humides, il lui chuchota :
    — Le gage…, c’est Alcoboçanne.
    — Non ! cria-t-elle en le repoussant
avec force.
    Mais il la plaqua de nouveau contre le mur, et, lui
imposant les désirs de sa volonté, il lui reprit la bouche.
    — Seule Alcoboçanne peut se mesurer à la
beauté de Bethsabée, lui dit-il enfin. Elle est morte cet après-midi.
    — Alcoboçanne pour Valentine ? Jamais !
hurla-t-elle en se débattant cette fois avec violence.
    Isabelle n’avait jamais pu se séparer d’Alcoboçanne.
Elle était née le même jour que le Dauphin, et elle l’avait promise à sa petite
belle-sœur, Catherine de France, qu’elle appelait avec tendresse l’Églantine. Catherine
l’Églantine, morte à huit ans, sans avoir vu grandir sa pouliche.
    Elle batailla de plus belle. Donner Alcoboçanne à
Valentine ? Plutôt mourir ! Mais Louis la maintenait trop fermement, il
riait de ses efforts, attendant qu’elle se fatigue, qu’elle s’amollisse. Alors,
en ponctuant ses arguments à petits coups de langue qui agaçaient ses lèvres, il
lui susurra :
    — N’est-ce pas moi qui t’ai donné Alezane au
temps du château de Beauté ? Ne dois-tu pas me rendre le fruit de ses
ardeurs avec Alcoboça ?
    Alcoboça, songea-t-elle, le chagrin dans le sang, le
noir destrier de Bois-Bourdon, le château de Beauté où s’était allumé le
feu de leur passion, et ce temps béni à l’assouvir en quasi-liberté. Et
Catherine l’Églantine, si blanche dans sa mort. C’était trop de souvenirs, ses
larmes jaillirent, inondèrent les joues d’Isabelle. Le duc d’Orléans, interdit,
s’écarta légèrement d’elle.
    — Tu l’aimes donc tant ?
    Isabelle, en pleine confusion, ne savait s’il
parlait du sire de Graville ou de la pouliche. Elle était à bout, elle ne
pouvait plus dissimuler, elle supplia :
    — Prends Alcoboçanne, mais laisse-moi mon
capitaine.
    Elle osait ! Il la lâcha, le regard plein de
rage.
    — Votre capitaine est libre, madame, de
rester ou de vous quitter.
    La colère montait en lui, ravageant de sa jalousie
toute compassion pour la reine. L’aimerait-elle ainsi un jour, l’aimerait-elle
à la folie jusqu’à se perdre ? Ne venait-elle point d’admettre son amant ?
    Il recula, la regardant avec horreur. Enfin il la
salua, les mâchoires contractées, blanches de fureur.
    — Je prends Alcoboçanne, madame, c’est le
prix de mon gage. Je laisse votre capitaine libre de son choix.
    Il se détourna de la vue de ces pleurs et de cette
détresse qui lui étaient insupportables, et la laissa à ses tourments.
    *
    Avril fit exploser de fleurs les vergers de l’Hôtel.
Le dimanche de Quasimodo libéra les oiseaux de leur hivernage dans les grandes
volières des jardins. Suivraient bientôt les lions, les léopards et autres
fauves de la ménagerie, qui tournaient en grognassant et rugissant dans les
salles chaudes du château de Vincennes, impatients de retrouver leurs cages d’été.
    La tension n’avait cessé de monter à la résidence
royale, le départ de la croisade en Barbarie approchait, prévue les derniers
jours du mois. Les chevaliers s’activaient à fourbir leurs armes, redorer leurs
armoiries, à solliciter les banquiers lombards, à presser les percepteurs de
leurs fiefs.
    Mais ce n’étaient pas leurs seules préoccupations.
La semaine sainte et les célébrations liturgiques de Pâques les avaient vus
faire carême, s’agenouiller, courber le front, renouveler avec ferveur leurs
vœux de chevaliers. Il en était de même dans Paris comme dans les provinces, les
preux engagés à se croiser s’employaient à corriger leurs mœurs et exalter leur
foi, multipliant les actions de grâce, commandant des messes et faisant
donations aux églises. Ils étaient chrétiens et la foi leur était aussi
chevillée au corps que leur armure. De même, le bon peuple priait et faisait
des offrandes ; il sortait les reliquaires, processionnait en chantant des
cantiques à gorge déployée. Un vent de dévotion soufflait sur tout le royaume. Le
départ approchait, le temps pressait à réformer le corps et l’âme dans la
ferveur. Le

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