Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
Vom Netzwerk:
effervescence guerrière
et le roi à ses fureurs et navrances, la reine s’en alla s’installer en sa
Bergerie de Saint-Ouen à Pâques fleuries. Elle était grosse de cinq mois et son
état nécessitait le plus grand calme. Elle emmena avec elle toute sa mesnie, vaisselle
et mobilier, sans oublier son oisellerie, sous la protection de sa garde
personnelle et de son capitaine, le sire de Bois-Bourdon.
     
    Afin que sa Bergerie allie confort et charme
rustique, Isabelle en avait supervisé elle-même l’aménagement durant tout l’hiver.
C’était une énorme bâtisse à pourtour crénelé, aux façades mangées de lierre et
de vigne vierge. Elle possédait à l’ouest une grosse tour d’angle dont Isabelle
fit sa fauconnerie ; une autre à l’orient, plus petite, était le colombier.
Une poterne à double herse donnait dans une vaste cour pavée qui s’ouvrait
elle-même sur les jardins et vergers des cours basses où se tenaient les
bergeries proprement dites. Le corps du logis principal possédait un seul étage
où courait une galerie en encorbellement ; une glycine y enroulait ses
anneaux constricteurs, croulant de grappes mauves et odorantes.
    La reine affectionnait particulièrement l’immensité
de la grand-salle commune, à rez-terre, avec ses poutres noircies aux feux des
cheminées. Un large escalier de chêne massif accédait au deuxième niveau qui
constituait ses appartements privés. Elle y avait adopté une chambre spacieuse
qui donnait au midi, dominant de sa vaste baie la campagne environnante et le
village de Saint-Ouen. La robustesse campagnarde de cette vieille demeure
ravissait la princesse de Bavière.
    Les cours basses foisonnaient d’animaux de ferme, et
c’était l’époque de l’agnelage. Isabelle accourait sans cesse aux bergeries, prenant
dans ses bras les fragiles agnelets, donnant tétées quand il le fallait.
    Après la pompe épuisante de la Cour, elle
reprenait souffle. Son teint s’était avivé comme les fleurs de pêcher qui
explosaient de douceur dans les vergers où elle se soûlait à l’air pur et
vivifiant de la liberté, en s’adonnant à la vie pleine de simplicité d’une
bergerette.
    Et Christine de Pisan écrivait alors dans son Dit
de la Pastoure :
     
    Agneaux en la
bergerie
    Soigner, mettre foin
en crèche,
    Semer au toit paille
fraîche,
    Et les moutons d’une
part,
    Brebis traire, et
faire à heure
    Agneau téter…
     
    Mais, si un observateur peu averti en avait conclu
que la jeune souveraine avait abandonné les futilités du faste de la Cour pour
celles des gentilles pastourelles, il aurait eu grand tort.
    Rien de ce qui se passait à Paris ne lui échappait.
    Car si la reine paraissait se tenir à l’écart de
la politique, comme son précepteur le lui avait recommandé, elle recevait en sa
Bergerie, se faisait tout rapporter et tenait même conseil secret.
    En outre, tous les beaux seigneurs et les belles
dames de la Cour se poussaient afin d’obtenir la faveur à venir s’esbaudir des
charmes sylvestres de sa résidence des champs, et ils bavardaient beaucoup. D’ailleurs,
il n’était pas loin de Saint-Paul à Saint-Ouen, le courrier était prompt.
     
    Ainsi apprit-elle l’incroyable nouvelle qui venait
juste de transpirer jusqu’à Paris, « l’Attentat de l’Hermine ».
    Le roi croyait Olivier de Clisson à Tréguier
où il s’obstinait à réunir une flotte pour le deuxième Passage d’Angleterre ;
à moins qu’il ne fût dans ses fiefs bretons ?… Nul ne pouvait le dire. Les
lettres qui pressaient le connétable de France à rallier la tête de l’armée
royale pour le voyage d’Alemanie restaient sans réponse.
    Charles VI commençait à en être vivement
contrarié lorsqu’un seigneur breton, qui ne voulut point qu’on le nommât, vint
l’avertir que son connétable se trouvait présentement retenu dans les geôles du
duc de Bretagne où il était enchaîné de trois paires de fers.
    Un tel outrage était inimaginable.
     
    C’était la fin du mois de mai ; dans la
campagne de Saint-Ouen, un vent doux de printemps achevait de dépouiller les
arbres de leurs pétales comme neige en hiver. Isabelle déambulait lentement
dans les jardins, en compagnie de Jean la Grâce qui lui lisait un courrier de
Charles VI :
     
    … il me fut ainsi
rapporté qu’en Bretagne, l’on croyait Montfort et Clisson réconciliés tant ils
s’étaient fait bonne mine au cours de la cession de Vannes des barons
bretons ;

Weitere Kostenlose Bücher