Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
Vom Netzwerk:
pour elle une insupportable corvée. C’est le
cœur gros et avec impatience qu’elle se laissa dûment étuver et laver de corps
comme de tête par des mains étrangères.
    Sa nuque reposait à présent sur le rebord d’une
longue planche de bois où ses cheveux s’épandaient, épais, interminables. Ils y
avaient été étrillés, démêlés à coups de peigne à grosses dents. Enfin, la
première chambrière de Marguerite de Flandre s’attacha à les lustrer à la
poudre d’iris qu’elle ôtait à l’aide d’un peigne fin pour n’en laisser que le
subtil parfum et rendre la masse des cheveux d’une brillance incomparable.
    — N’est-ce pas encore fini ? J’ai le
crâne comme plaies et bosses, s’indigna la princesse de Bavière.
    Elle en avait les larmes aux yeux. Se faire coiffer
lui était le plus insupportable. Le poids de sa chevelure, d’une épaisseur et
longueur exceptionnelles, lui donnait parfois des maux de tête. Ses cheveux
étaient sa torture, elle ne savait pas encore qu’ils étaient aussi sa parure.
    *
    Dans la cour d’honneur du palais épiscopal, le
cortège nuptial s’improvisait dans un tohu-bohu indescriptible. Dames et beaux
seigneurs s’interpellaient et se chamaillaient pour y trouver bonne place. Les
chevaux, somptueusement harnachés, piaffaient dans l’énervement général, les
pages et les écuyers couraient en tout sens sous les injonctions
contradictoires de leurs maîtres et maîtresses. Les hérauts d’armes, qui
avaient pour tâche d’organiser le défilé suivant la coutume et le rang de
chacun, avaient bien du mal à régenter cette effervescence. Et nul ne s’avisa
de ce qui se passait à l’arrière du palais, dans une petite cour qui
communiquait avec la chapelle de la Vierge.
    Un sac y était posé à même la terre. Il remuait
faiblement en gémissant. Près de lui, une femme échevelée était à genoux, la
tête basse. Un cercle d’hommes d’armes montait une garde craintive. Le
chapelain du roi, cramoisi de fureur, était accompagné d’un diacre qui portait
l’eau bénite et le goupillon.
    — Ouvrez ! ordonna Pierre de Foissy.
    Et son tic l’agita de façon frénétique.
    Le chef des gens d’armes dénoua la corde de
chanvre qui liait le haut du sac. Une tête noire en émergea, les yeux d’onyx et
d’ivoire clignotèrent dans la lumière, le regard fou. Le cercle des gens d’armes
eut un mouvement de recul. La voix du prêtre tonna à nouveau, étonnamment forte
pour un homme aussi chétif :
    — C’est elle, c’est le succube ! Refermez,
refermez ! Sa vue blesse le soleil et le ciel même.
    Et tout en saisissant le goupillon, il aspergea la
Barbaresque qui se mit à hurler et à se débattre. Il fallut trois hommes d’armes
pour l’enfourner à nouveau dans le sac. Pierre l’aspergeait de plus belle en
gesticulant comme un forcené.
    —  Vade retro, Satana ! C’est la
preuve, c’est la preuve ! Voyez comme le démon se tord sous l’eau bénite. Arrière,
Satan !
    À deux heures de sixte, les abords de Notre-Dame d’Amiens
bourdonnaient d’une affluence impatiente. L’arrivée de l’escorte nuptiale fut
saluée par les carillons de la cathédrale qui se mirent à battre à la volée. Une
clameur monta de la multitude.
    La foule massée sur le chemin du cortège délirait
de joie, se poussait des coudes, bataillait derrière le cordon des hommes d’armes
qui peinaient à la contenir. Les badauds ne voulaient perdre miette des fastes
royaux, mais la plupart n’en virent presque rien – le faîte des
multiples flammes héraldiques qui ouvraient la marche, les mitres et les larges
chapeaux des ecclésiastiques qui suivaient, bourdonnant de litanies, puis la
forêt de coiffes chatoyantes des nobles dames juchées sur leur haquenée.
    Vint la cavalcade des grands seigneurs et
chevaliers, piaffants, arrogants, beaux comme des dieux sous le soleil. Les
filles se battirent pour les approcher, tendirent les mains, les interpellèrent
de leurs cris aigus en leur lançant des fleurs. Ils souriaient avec affectation,
saluaient, envoyaient des baisers.
    La famille royale qui suivait en retrait
chevauchait de front : Louis de France, le frère du roi, et ses oncles, Philippe
le Hardi et Jean de Berry, réconciliés pour la parade. Enfin, parut
Charles VI le Bien-Aimé, couronné, le regard bleu impérial. Il portait une
somptueuse houppelande à semis de fleurs de lys surbrodées d’or sur pourpoint
cramoisi. Le

Weitere Kostenlose Bücher