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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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bannière de France, l’oriflamme de
Saint-Denis, que tu as sauvegardé ton héritage. Et j’y étais !
    — On ne le sait que trop ! Tu as crié si
fort qu’il en reste des échos, répondit perfidement le Hardi.
    Le Camus blêmit. Son frère faisait-il allusion à
cette stupide rumeur d’assassinat ? Après que l’armée royale eut maté la
révolte flamande à Roosebeke, le pays s’était soumis, mais Gand résistait
toujours derrière ses fortifications. Louis de Maele, le comte de Flandre,
voulait assiéger la ville et la faire tomber à tout prix. Mais le duc
de Berry, las de ces chevauchées dans la boue, voulait rentrer chez lui
avec son armée, jugeant qu’il en avait assez fait. Le comte et le duc s’étaient
pris de gueule violemment en public. On n’avait jamais entendu crier si fort le
placide duc de Berry. Quelque temps plus tard, le comte de Flandre
mourait fort inopinément. Et la vox populi accusa Jean de Berry d’avoir
fait empoisonner Louis de Maele. Pour une querelle ? C’était absurde.
Qu’avait-il à y gagner ? C’était son frère de Bourgogne et non lui qui
héritait de la riche Flandre.
    Le Camus leva des yeux soupçonneux sur celui-ci. Il
n’y avait jamais songé, mais à qui profitait le crime, si crime il y avait ?
À Philippe assurément. L’aurait-il commandité, et aurait-il écarté de lui tous
soupçons en faisant courir cette méchante rumeur à son sujet ? Berry
connaissait son frère, il pouvait être machiavélique.
    — Les sénéchaussées du Midi sont vassales du
roi de France, reprit le Hardi avec un calme alarmant. Par l’hommage, elles
ont le devoir de l’ost et le roi le commande. Il vaudrait mieux obtenir
obéissance et les dégarnir, car leurs garnisons pourraient bien se retourner
contre toi en faveur du prince de Foix-Béarn. Gaston Phébus a grande pitié
des États du Languedoc. S’il se met en mouvement, les trois grandes
sénéchaussées de Toulouse, Nîmes-Beaucaire et Béziers-Carcassonne seront avec
lui. Dans ton Midi, tu me parais bien isolé au milieu de tes mercenaires et de
tes cruels collecteurs d’impôts. Je me suis laissé dire qu’il y a considérable
haine contre toi. (Il prit son temps avant d’achever.) Tu pourrais bien y
perdre la vie !
    Un courant glacial descendit de la nuque grasse du
Camus jusqu’à faire frissonner les bourrelets de sa taille replète. Mais il n’était
pas homme à se laisser impressionner par des menaces.
    — Garde-toi, Philippe, je saurai me garder !
lui lança-t-il avec défi.
    Et pour lui montrer le peu de cas qu’il faisait de
ses prédictions funestes, sa face lunaire s’éclaira d’un sourire de commande.
    — Tu n’as point encore dit ce qu’il en était
de cette princesse de Bavière ? demanda-t-il d’un air qui se voulait
malicieux.
    Le duc de Bourgogne, ébranlé par ce brusque
changement de ton, le regarda un instant d’un air perplexe.
    — Jeune, jolie et fort insignifiante ! laissa-t-il
enfin tomber. La reine idéale !
    *
    Dans les appartements de la princesse de Bavière,
les dames d’atour s’affairaient autour d’Isabelle. Jugée trop rustique, Miette la
Clabaude avait été exclue des raffinements de cette toilette interminable. Mais
cette dernière n’avait pas cédé sur le privilège d’éveiller elle-même Isabelle :
c’était la dernière fois. Ce fut une aube mouillée de larmes, comme la rosée de
l’aurore d’un matin qui s’ouvrait sur le bouleversement d’un monde, qui plus
jamais ne serait le même. Son poussin avait longuement pleuré dans son giron. La
Clabaude partait après la cérémonie des noces, profitant pour faire la route de
l’estafette qui allait porter la nouvelle du mariage de la princesse de Bavière
au château de Ludwigsburg.
    Cette séparation était un déchirement, mais il en
est ainsi des filles, qui vous sont arrachées un jour pour partir au bras de
leur époux. Miette se consolait : son Isabelette épousait selon son
inclination et vivrait heureuse, entourée d’honneurs et de luxe à la cour de
France où la rustaude montagnarde n’avait pas sa place.
    Lorsque les chambrières et dames d’atour
envahirent la chambre, Miette, après avoir embrassé Isabelle pour la dernière
fois, ne put réprimer un ultime clabaudage.
    — Sûr que cet astiquage ne va pas plaire à
mon poussin, ronchonna-t-elle en se retirant.
     
    Non, cela ne plaisait pas à Isabelle : se
faire apprêter avait toujours été

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