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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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panique. Les époux royaux
allaient bientôt gagner la chambre nuptiale. Il n’y avait plus de temps à
perdre, il fallait mettre Isabelle hors du pouvoir du roi, absolument, à n’importe
quel prix. Qui pouvait empêcher cela ?
    Le sénéchal du Berry ! Il avait l’amour du
roi et grand empire sur lui. S’il avait vraiment reconnu la Louvain au bordel, qu’avait-elle
à perdre ? Car Bois-Bourdon était terriblement perspicace. Aux fêtes du
Mai, ne lui avait-il pas dit avec ironie : « Madame, il semble que
vous ayez lancé l’un de vos papillons butiner Sa Majesté. Ne craignez-vous pas
qu’il s’y brûle les ailes ? » Et pourtant, bien que sachant Ozanne
son instrument, il s’était tu ; sans doute se tairait-il encore aujourd’hui.
Le seigneur de Graville était un homme dangereux, mais elle avait les
moyens de le faire taire : l’assassinat du comte de Flandre. Il lui
fallait se décider…
    Un nouvel élancement, encore plus brutal, la tordit
de douleur. Alors, sans plus tergiverser, elle sonna son chambrier et l’envoya
porter un billet au palais épiscopal.
    *
    Dans la salle des banquets, où les tables avaient
été défaites, l’heure était à la danse. Les cavaliers s’étaient empressés
autour de leur nouvelle et ravissante petite reine, jusqu’à ce chevalier à la
sombre figure qui la menait à présent sur une carole, et qui la dévisageait
avec insolence.
    — Vous ne m’avez guère rendu les honneurs
jusque-là, beau sire, railla-t-elle en soutenant son regard avec orgueil.
    — Il y en avait assez pour le faire.
    — On sait qui vous êtes.
    — Sire Louis de Bois-Bourdon, sénéchal
du Berry, seigneur de Graville, à votre hommage, madame.
    Comme la danse s’y prêtait, Bois-Bourdon s’inclina,
une main sur le cœur, alors qu’Isabelle tournoyait lentement sur elle-même au
rythme de la carole, comme toutes les dames qui formaient la ronde. La règle
voulait qu’à ce moment, elles changeassent de partenaire. Les hommes avançaient
d’un rang et présentaient le poing à la cavalière du couple précédent. Mais le
sire de Graville happa d’autorité la dextre d’Isabelle et garda la reine. Louis
d’Orléans, qui suivait, resta le poing vide et suspendu. Raide de fureur, le
jeune frère du roi s’inclina sèchement et quitta la ronde en lançant avec dépit :
    — À défier les règles, Bourdon, un jour tu en
rendras compte !
    Bois-Bourdon ignora la menace et continua ses
savantes déambulations, guidant souplement Isabelle. Elle était légère et sa
main si petite sur son poing.
    — Ne vous êtes-vous pas fait là un nouvel
ennemi, monsieur le sénéchal ?
    — Pourquoi un nouvel ennemi ? Dois-je
beaucoup en compter ?
    — Vous êtes au roi, cela suffit.
    — Je ne suis à personne.
    — Vraiment, gentil sire ? Même pas au
Diable ?
    La danse les rapprocha, face à face, mains
hautement liées, regards rivés. Isabelle, le visage levé vers son cavalier, retrouva
cette acuité d’oiseau de proie qui la troublait si fort. Bois-Bourdon surprit à
nouveau la fulgurante lumière violette qui émanait des yeux d’Isabelle. Jamais
il ne les avait admirés d’aussi près. Le noir profond de l’iris s’illuminait en
ses bords, comme si un soleil levant menaçait de ses premiers feux un horizon
de nuit d’encre, le teintant de mauve. Et lorsque ce feu envahissait tout
entier les pupilles d’Isabelle, ils lançaient alors cette lumière violette qui
exprimait, à cet instant, le mépris. « Déjà ! » pensa
douloureusement le chevalier. Et il la trouva belle à mourir.
    La danse rompit leur face-à-face, ils reprirent
leur déambulation. Les doigts d’Isabelle se crispèrent légèrement sur le poing
de son cavalier.
    — Ne dit-on pas que vous êtes l’âme damnée du
roi ?
    Elle tournoya à nouveau. Cette fois, le sire de Graville
laissa faire la danse, et changea de partenaire. Charles VI suivait et
avait saisi la main de sa jeune femme.
    La musique cérémonieuse de la viole et la douceur
de la carole avaient quelque peu alangui les danseurs. Aussi l’assistance
sursauta d’un même corps alors que les trompettes se mirent à sonner à plein
souffle, et que les grandes portes des extrémités de la salle s’ouvrirent
violemment à deux battants. Une cohorte de bateleurs s’engouffra par l’une d’elles,
jongleurs et acrobates envahirent la salle, repoussant de leurs facéties la
noble assistance sur les côtés. Le roi

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