Eclose entre les lys
d’eux-mêmes, leur peau se serait levée
et détachée facilement de la chair.
Grâce à Jésus-Christ, l’illustre maison de France fut
protégée de ce poison.
D’après la Chronique du religieux de Saint-Denys
La lumière blafarde de la lune tombait directement
par la lucarne de charpente, éclairant vaguement la grange de la cour basse du
palais épiscopal. L’odeur des foins fraîchement rentrés était entêtante. Catherine,
en se glissant à l’intérieur, se dit que le souvenir de ses étreintes secrètes
avec Adémard auraient toujours pour elle ce fort parfum agreste. Déjà, au vieux
château de Ludwigsburg, c’était un lit profond d’herbes fraîches qui avait
accueilli leur première union. Le chevalier de Courtemay était puceau, elle
était pucelle, et ils s’étaient fait l’amour à tâtons, du bout des lèvres et du
bout du corps, délicieusement hésitants.
Elle se fondit le long du mur, contrariée par de
forts ronflements. Cette grange était un véritable dortoir : palefreniers,
valets de pied et autres gens de la valetaille avaient trouvé ici un refuge
pour la nuit. Elle s’arrêta. Où était Adémard ?
Une espèce de couinement saccadé attira son regard.
Derrière une grosse botte de foin, une tête échevelée tressautait, apparaissant
et disparaissant comme montée sur ressort. Elle sourit et faillit pouffer de
rire quand elle entendit une voix d’homme passablement congestionnée.
— Corne de bouc, ma jolie, que c’est bon de
mettre ton tonneau en perce !
Il est vrai que la femme était énorme, et celle-ci
redoubla d’ardeur, chevauchant avec une sorte de fureur. Enfin, elle s’affala
dans un grand râle satisfait, disparaissant définitivement derrière la meule de
foin. Catherine faillit crier quand une main lui saisit le poignet.
— Chut ! lui intima Adémard.
Le chevalier l’entraîna vers un angle de la grange, là
où une dépression du foin formait une ruelle contre le mur. Une couverture y
était étalée.
*
La chambre nuptiale du palais épiscopal était celle
de l’évêque d’Amiens, prêtée pour la circonstance. Elle était vaste et aérée d’une
large baie donnant sur le chemin de ronde. Le lit trônait en son milieu, immense.
On y accédait par trois marches recouvertes de velours cramoisi. Les montants
du baldaquin étaient de bois sculpté à figures d’angelots. Les courtines rouge
et or étaient ouvertes. De gigantesques tapisseries à imageries bibliques
garnissaient les murs et séparaient la pièce en trois : la chambre
proprement dite ; un oratoire avec un petit autel surmonté d’un immense
crucifix ; la troisième pièce dissimulait un cuvier et un retrait d’aisance
niché dans le mur.
Alors que les courtisans s’embouteillaient sur le
devant de la porte, le marié se faisait apprêter par son chambellan Guillaume de Chastel
derrière la tenture du cuvier ; la duchesse de Bourgogne déshabillait
la mariée derrière celle de l’autel. Marguerite ne cessait de lui parler
doucement, inquiète de la voir si égarée.
— Madame, vous m’écoutez ? À présent, vous
êtes reine de France et vous vous devez au roi. Vous n’avez rien à craindre… entendez-vous ?
Quoi qu’il exige, ne vous en alarmez pas. Ce ne sera que très légitime entre
époux… Madame, comprenez-vous ce que je veux vous dire ?
Non, la princesse de Bavière ne comprenait
rien. Elle était dans un état d’hébétude qui lui donnait cet air de molle
docilité. Elle était perdue : que faisaient donc tous ces gens qui se
pressaient dans cette chambre inconnue ? Et pourquoi Marguerite de Flandre,
qui savait se montrer si maternelle, lui parlait-elle avec un ton si pompeux, lui
donnant du « Madame » ? Alors elle se mit réclamer Miette, sa
bonne nounou qui l’apprêtait d’habitude à son coucher.
— Miette la Clabaude est partie tantôt, lui
rappela Marguerite, en libérant la masse de ses cheveux de la coiffe. Il me
revient ce soir le devoir de vous assister au moment solennel de vous mettre au
lit avec votre époux pour la première fois, un devoir qui m’incombe en l’absence
de votre noble mère.
Se mettre au lit avec le roi restait toujours pour
Isabelle inconcevable. Dans la confusion de son esprit, il lui revint l’une des
règles de la fin’amor, celle de l’asag : l’essai. C’était à
la dame de le demander : elle permettait à son preux de dormir auprès d’elle,
avec l’épée du chevalier entre
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