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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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à l’ouïr, messire, répondit
Louis, tout heureux.
    — Ce serait plus belle escorte si vous étiez
des nôtres, madame, proposa encore le capitaine en fixant Isabelle, qui s’empourpra.
Ainsi, chacun pourra s’aviser que le prince de France n’est point désavoué par
la reine, et point d’honneur perdu.
    Louis se retourna vers elle, plein d’espoir. Il
fut stupéfait de lui voir un visage plein de courroux. Mais il crut avoir rêvé
car elle sourit tout aussitôt :
    — Il ne me sera pas plus grand bonheur.
    — Mes peines sont bien consolées, répondit le
jeune prince en lui prenant la main pour la poser sur sa joue.
    — Allez en paix, gentil frère. Nous nous
verrons demain et nous ferons meilleurs adieux en chemin.
    Le duc d’Orléans s’inclina. Il rayonnait, et
sortit tout léger. Comme le sire de Graville s’apprêtait à le suivre, Isabelle
le retint d’une voix impérieuse :
    — Que faut-il que j’en pense, messire ? Avez-vous
dit : « J’ai tourné le dos quand je le devais, j’ai fait face quand
il le fallait » ? Avez-vous tourné le dos au roi parce que vous
deviez me laisser à sa violence ?
    Bois-Bourdon pâlit et ses mâchoires se serrèrent. Il
s’inclina sans répondre, et voulut partir. Elle l’en empêcha encore une fois :
    — Vous faites bien l’apôtre de la veulerie. Vous
ne savez combattre que racailles alors que vous m’avez abandonnée au roi et à
ses gardes.
    Il pâlit encore plus, comme vidé de sang.
    — Quels gardes, madame ?
    — Vous le savez !
    — Quels gardes, madame ? répéta-t-il d’un
ton âpre.
    — Les gardes qui m’ont emportée et qui m’ont
tenue sous le roi…
    Sa voix se brisa. Elle se détourna, bien
déterminée à ne pas pleurer encore, à ne pas lui faire grâce d’une seule de ses
larmes. Il y eut un silence pendant lequel elle maîtrisa son émotion. Ce fut
les yeux secs et vindicatifs qu’elle ajouta :
    — Je vous dois remerciements pour votre
courage en forêt de Vincennes. Mais il n’y aura point de pardon, jamais, pour
votre lâcheté d’Amiens. Allez, messire, c’est dit !
    Le silence lui répondit encore et rien ne bougea. Elle
sentait la puissante présence de Bois-Bourdon qui se tenait immobile, et qui ne
quittait pas les lieux.
    Elle se retourna. Elle découvrit avec stupeur que
c’était lui qui pleurait.
    — Des gardes qui vous tenaient, dites-vous ?
    Des pleurs silencieux roulaient sur son visage. C’en
était trop pour Isabelle, elle laissa couler les siens.
    — Assez ! Cessez de me faire boire toute
ma honte.
    — Le roi aurait mieux fait de me tuer…
    — Que dites-vous là ! cria-t-elle. Votre
abaissement lui suffisait.
    — Même devant le roi, je ne souffre aucun
abaissement.
    — Allons donc, Bourdon, je vous ai vu plier
des deux genoux devant lui.
    — Ce n’était que sous le coup de la masse de
ses poings ! avoua-t-il enfin.
    La foudre était tombée aux pieds d’Isabelle. Toute
la scène cauchemardesque de cette nuit-là lui revint dans sa vérité. Elle revit
les deux ombres qui luttaient, les deux poings joints haut levés qui s’abaissaient
avec une grande force. Tout aussitôt, les jambes de Bois-Bourdon s’étaient
dérobées. Elle le revoyait tomber à genoux comme dans un acte de soumission.
    Elle regarda le chevalier de ses immenses yeux
encore incrédules. Elle savait qu’il ne mentait pas, que cet aveu même lui
coûtait. Il se détourna de ce regard. D’avoir été mis hors de combat n’était
pas pour lui une excuse mais un déshonneur.
    — J’ai, hélas, la tête trop dure pour en
avoir été tué, mais trop faible pour ne pas en avoir été assommé.
    Il ajouta, dans une plainte rauque, ce qui lui était
le comble d’une indicible horreur :
    — Et alors que je gisais, il vous faisait
tenir…
    Bois-Bourdon se mit enfin à parler. L’ombre avait envahi
l’oratoire, l’obscurité lui semblait propice à unir son humiliation à celle d’Isabelle,
la femme qu’il aimait. Il raconta à voix basse, à voix grave :
    — Ils m’ont tenu aussi, le corps cruellement
pris dans un coffre jusqu’à la taille. Ils riaient !… Ils m’ont arraché
mes braies, mis à nu, exposé indécemment à leurs attouchements de sodomites. Ils
m’ont forcé à outrance… comme des chiens !
    Bois-Bourdon racontait ce qu’il n’avait jamais dit
à personne, la souffrance atroce, son enfance perdue, la haine et la vengeance.
    — Ils étaient trois parmi

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