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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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distrayant Charles VI de sa déception.
    — Ah ! Les truies crachent. On se bat
là-bas. Allons ! lança-t-il d’une voix encore hargneuse.
    Les engins de mort, vulgairement appelés truies, étaient
des sortes de balistes lourdes de bois plein, de ferrures, de nerfs et de
treuils, capables de projeter des pierres à grande distance, bombardant la
ville, ébréchant les murailles. Une charge de pierraille venait d’être lancée. L’attaque,
interrompue à sixte afin de festoyer et prendre du repos, venait de repartir
sous la férule rageuse du connétable Olivier de Clisson.
    Charles allait sortir, mais l’aîné de Bourgogne le
retint.
    — Pas sans votre heaume, noble cousin, l’avertit
Jean de Nevers.
    Il est vrai qu’il était dangereux de sortir à
découvert. Par intermittence, les assiégés faisaient pleuvoir une grêle de
traits sur les assaillants, dirigeant les foudres de leur artillerie
particulièrement du côté où ils voyaient les fleurs de lys briller au soleil et
flotter l’oriflamme de Saint-Denis. Les carreaux ennemis avaient atteint et tué
des gens qui allaient et venaient autour du pavillon royal.
    Charles se laissa embroncher et verrouiller son
heaume par son cousin de Bourgogne, qui affichait plus que jamais son air de taurillon
rechigné : la nouvelle du mariage d’Orléans, qui le faisait roi de Hongrie,
l’avait indisposé.
    Nevers et le roi quittèrent la tente, aussi
renfrognés l’un que l’autre.
    *
    Le camp s’étendait sur la plaine en une véritable
ville de toile haute en couleur, grouillante et bruyante. La multitude de
bannières et d’enseignes claquait fièrement au vent de la mer, affirmant la
puissance de la noble armée de France.
    Il y grouillait une fourmilière de gens d’armes et
de machines de guerre, et comme fond de décor se dressaient, formidables, les
murailles crénelées de Damme, hérissées d’archers. La cité était entourée de
hauts murs et de fossés. Les garnisons gantoises étaient soutenues par toute la
population de la ville. Sur les chemins de ronde, les hommes chargés du guet
passaient des nuits sans dormir, adressant avec des cris terribles des injures
et des invectives aux seigneurs français, les accusant de faiblesse et de
lâcheté.
    Les multiples vagues d’assaut avaient été vaines, l’armée
royale ne s’attendait pas à une résistance aussi opiniâtre et les provocations
avaient profondément courroucé le roi. Pour en finir, il avait ordonné de
fabriquer en toute hâte une dizaine de truies qui s’alignaient à présent face
aux murailles, semant la mort et la terreur dans la ville.
     
    Charles VI, à l’extérieur du pavillon, retrouva
sa garde à cheval qui l’attendait. Outre son jeune cousin, Jean de Nevers,
la garde royale était composée de la plupart de ses Plaisants Cousins, compagnons
au champ comme aux fêtes.
    Les gardes royaux portaient sur leur armure la cotte
d’armes de soie mi-partie. À dextre, ils affichaient tous le tenant de Charles VI,
le cerf ailé richement brodé de fils d’or, et sa devise, « Jamais ». À
senestre étaient leurs armoiries propres qui se retrouvaient sur leur écu
sanglé à l’avant-bras gauche. Les heaumes arboraient la même crête de plumes
cramoisies de sorte que chacun pouvait suivre les déplacements du roi à son
escorte de panaches flamboyants.
    Aidé du sire Adémard de Courtemay, devenu son
grand écuyer, Charles VI s’apprêtait à se hisser sur son destrier
caparaçonné aux couleurs de France. Comme il lui présentait ses deux gantelets
joints et que Charles y posait son soleret, Adémard ne put s’empêcher de lui
glisser :
    — J’ai grande joie à vous dire, doux sire.
    — J’aurai grand plaisir à l’ouïr, il n’est
pas trop de joie.
    — Ma douce dame, demoiselle de Fastatavin,
m’apprend par le courrier de ce jour d’hui qu’elle porte le fruit de nos amours.
    S’il n’avait été le heaume, on aurait pu voir la carnation
rousse d’Adémard devenir écarlate de bonheur. Charles éclata de rire. Remis de
bonne humeur, il se hissa en selle.
    — J’en suis bien aise ! Allons, il
faudra bien vous marier à notre retour.
    — Gentil sire, vous me donnez là grand
bonheur, car je voulais l’épouser mais la hâte du départ m’en avait empêché.
    — Votre promise n’est-elle pas déjà veuve ?
    — Si fait, Votre Majesté.
    — Alors nous vous ferons grand charivari, s’écria
le roi, qui se réjouissait

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