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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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a reçue, Djem affirmait que le pape avait accepté de se séparer de lui pour apaiser la colère du roi Charles à son endroit. Désormais sous la protection de la France, ton prince jouit d’une plus grande liberté et peut sortir du Vatican sans autre escorte que celle de ses janissaires. Djem n’en use pas, certain que son frère Bayezid ne perdrait aucune occasion de le faire assassiner, mais il espère fortement la visite de ceux qui lui sont chers. À dire vrai, la découverte macabre des enfants m’a simplement devancé de quelques heures. Rome est devenue une ville dangereuse et ton père et moi avions déjà résolu de t’escorter.
    Hélène se remit à trembler d’émotion contre le pourpoint de son époux.
    Son rêve allait enfin devenir réalité.

4
     
    Petit Pierre s’éveilla avec la faim au ventre comme chaque matin. Il chassa une feuille rousse de son visage, se frotta les paupières, bâilla à s’en décrocher les mâchoires, perdit un œil embrumé dans les frondaisons ocrées au-dessus de son visage, et jugea, à la trouée d’azur, qu’une belle journée s’annonçait. Il mit quelques minutes à s’apercevoir que le silence autour de lui était inhabituel. Il manquait le frottement des lames contre le silex, la gouaille des femmes, les plaisanteries grasses des hommes, les odeurs de mangeaille et surtout, surtout, la petite main de Jean sur son épaule, pressé de jouer. À peu près au même moment, la violence des cauchemars qui avaient perturbé son sommeil lui revint en mémoire.
    Il se dressa sur son séant, rattrapé par l’horrible réalité, le cœur battant si fort qu’il s’en trouva désemparé.
    Du coup, loin de le fâcher, la discrète présence de son père, assis à quelques pas sur un rocher plat, amena un baume sur ses frayeurs.
    — J’ai ratissé les dernières baies, lui dit Mathieu en lui présentant l’intérieur de sa paume.
    Le visage de l’enfant s’illumina. Quittant sa couche improvisée, il s’installa à côté de son père et piocha les mûres pour s’en rassasier.
    — Faut qu’on parle, mon fils, lui assena Mathieu, tandis que l’enfant engloutissait sa récolte en quelques secondes.
    Noirci de jus jusqu’au menton, Petit Pierre se contenta de hocher la tête. Il voulait bien. Avec son père, tout problème trouvait solution. Et il en avait un énorme, cette fois. Il ne voulait pas devenir un assassin.
    Mathieu le laissa avaler les derniers fruits sans les mâcher, attendri par sa capacité à vivre malgré l’épreuve qu’on lui avait imposée.
    — Je sais ce que tu ressens. Je l’ai éprouvé moi aussi la première fois.
    Petit Pierre écarquilla les yeux.
    — Je ne suis pas né brigand, tu sais. Je le suis devenu. Ce qui veut dire qu’autrefois j’étais quelqu’un de bien. Quelqu’un qui aimait rire, jouer. Comme toi.
    — Mman aussi ? s’étonna l’enfant.
    Mathieu soupira, rattrapé par l’image de la petite Fanette avec laquelle il avait grandi.
    — Oui, ta mère aussi…
    Petit Pierre plissa le nez. Il avait du mal à se l’imaginer. Mathieu lui passa un bras autour des épaules.
    — Tu es trop jeune encore pour tout comprendre, Petit Pierre, mais il est arrivé un grand malheur avant ta naissance. Quelque chose de terrible. Une créature diabolique a pris possession du pays et une fée a déployé toute sa magie et son courage pour la contrer. Cette fée s’appelait Algonde et c’était la femme que j’aimais.
    Haussant les épaules, Petit Pierre leva sur son père de grands yeux soupçonneux.
    — Ça existe pas les fées…
    — Si, crois-moi. Et les harpies aussi…
    — C’est quoi, une harpie ?
    — Un laideron puant aux pouvoirs maléfiques.
    Le visage de Mathieu s’assombrit, convainquant son fils qui se serra contre lui.
    — Cette Harpie voulait plus fort que tout un enfant né à Bressieux, le château que tu connais, là-bas. Une prophétie prétendait que cet enfant serait l’héritier d’une terre inconnue dont la Harpie voulait le contrôle. Alors, lorsqu’il vint au monde, Algonde tenta de le protéger. Elle l’emmena avec une autre petite fille, notre petite fille…
    Petit Pierre s’étrangla de surprise.
    — J’ai une sœur ?
    Mathieu ferma les yeux, fauché par la douleur.
    — Tu avais une sœur. Algonde se croyait assez forte pour sauver ces deux petits êtres. Elle s’est trompée…
    Un frisson désagréable balaya Petit Pierre. Même s’il ne comprenait pas en

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