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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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réel.
    Algonde était de retour elle aussi. Il ne lui avait fallu que quelques secondes de plus pour qu’Elora sache. Elle pressa l’avant-bras d’Enguerrand, dévoilé par la couverture qui avait glissé de son épaule.
    — Aux dires du noble Nycola qui mène cette troupe, Khalil aurait été enlevé à sa mère égyptienne, alors qu’il était au berceau.
    Enguerrand serra les poings.
    — Où ? Quand ?
    — En Istanbul. Il y a dix ans. Sur les ordres de la première épouse du sultan qui craignait pour sa propre lignée, un eunuque a voulu assassiner Khalil. Le bohémien a offert de l’acheter.
    Enguerrand persistait à ânonner le mot impossible, comme une litanie qui lui permettait de garder pied dans la réalité. Mounia aurait trompé Bayezid pour mener sa grossesse à terme ? La connaissant, cela se pouvait. Mais c’était le seul argument qu’il pouvait concéder à cette absurdité. Hugues de Luirieux l’avait assassinée avec ses parents pour assouvir sa vengeance. Il s’en était même vanté auprès de lui l’autre jour.
    Une déchirure creva le plafond de ses certitudes. Et si Luirieux avait payé les fellahs pour lui mentir ? Si ce monstre avait négocié Mounia au sultan avide d’informations sur son frère Djem ? Le souffle manqua au chevalier. Dix ans. Il aurait perdu dix ans de sa vie à tenter de l’oublier quand elle espérait son aide. Non. Elle l’avait vu en si piteux état qu’elle n’avait pu que l’imaginer mort de son côté. Elle l’était sûrement ce jourd’hui, de chagrin, laissant Hugues de Luirieux jouir d’une vengeance plus implacable encore.
    Une rage sourde l’emplit tout entier.
    Luirieux cracherait la vérité. D’une manière ou d’une autre. Enguerrand tourna enfin la tête vers Algonde, silencieuse, aussi heureuse pour lui que désolée de l’avoir si vite perdu par cette révélation. Il le comprit, étendit le bras, la prit aux épaules, l’accola à lui sous la couverture, accepta sans tiquer, comme tout à l’heure, l’anormale fraîcheur de son corps contre le sien, bouillant. D’un index replié il lui releva le menton, plongea dans son regard couleur des eaux sombres.
    — J’irai chercher la vérité. Où qu’elle se trouve, Algonde, mais mes sentiments demeurent les mêmes. Je t’aime encore, telle que je t’aimais.
    Il chercha de nouveau ses lèvres. Elle les offrit. Pas avec cet amour dont elle était emplie pour Mathieu, mais avec la sincérité et la tendresse qui les avaient toujours rapprochés.
    Ce fut de ce moment d’abandon que se nourrit le miracle. Elle le sentit opérer depuis ses orteils jusqu’à sa taille. Lorsque Enguerrand, bouleversé de trop d’émotion, la bascula délicatement vers le sol, elle murmura d’une voix emplie de certitude :
    — Près du feu, je suis glacée.
    Il descendit ses doigts vers sa taille. Ne rencontra qu’une peau nue, la courbure d’une hanche, l’amorce d’une cuisse, là où les écailles avaient été. Il comprit aussitôt, éclata d’un rire heureux. Se dressant d’un bond, indifférent à la couverture qui demeura au sol, il lui tendit la main pour l’aider à en faire de même, puis se mit à chanter à tue-tête cette vieille comptine dont autrefois, enfant, Algonde se régalait.
    Alors, sous le ciel de cette grotte, nue comme aux premiers temps de la Création, usant sur la pierre ses pieds retrouvés, la bécaroïlle de Sassenage se mit à danser.
    *
    Petit Pierre leva les yeux vers la colline. Une aube aux douces teintes entremêlées de gris et de rose découpait de noir les contours du castel de Bressieux, baigné de contre-jour. Il sentit son fardeau s’alléger. À dire vrai, il était épuisé et la faim le tenaillait chaque jour davantage, ralentissant son pas.
    Il était fier de lui. Et triste à la fois.
    Tout s’était passé ainsi que Fanette le lui avait expliqué. Il avait emprunté une ruelle, puis une autre, contourné une place, laissé une venelle à dextre, le quartier des tanneurs à senestre avant de se retrouver sur la grand-place de Romans désertée où les derniers pendus se balançaient sous un vent fou. Bouleversé de les reconnaître dans cette posture ignoble, Petit Pierre avait senti son visage s’inonder de larmes. Une dizaine d’enfants de son âge jouaient à les prendre pour cibles avec de grosses pierres, marquant des points chaque fois qu’une faisait mouche, à grand renfort de rires et de jurons. La première

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