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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Nager vers le fond de la grotte ? Elle s’en savait incapable dans son état. Le mieux serait encore qu’elle se noie. Qu’elle laisse l’eau envahir ses poumons, l’entraîner par le fond puisqu’elle n’avait plus rien. Oui, c’est cela qu’elle ferait lorsqu’elle les entendrait arriver dans le tunnel. Elle ne laisserait pas Hugues de Luirieux se venger. Elle aurait le dernier mot. Elle avait toujours eu le dernier mot. Un sanglot lui monta à la gorge. Elle se laissa choir au milieu des cadavres, reprise soudain par la douleur de son corps torturé. Son âme l’était pourtant davantage. Elle avait obtenu ce qu’elle voulait. Elle avait eu sa vengeance. Comment avait-elle pu s’en nourrir aussi longtemps ? S’aveugler autant ?
    — C’est la faute de Mathieu, murmura-t-elle pour tenter de s’en convaincre.
    — N’es-tu pas fatiguée de te mentir encore ?
    Elle sursauta. Cette voix…
    — Qui… qui est là ?
    L’eau bruissa tout près d’elle. Un chant s’éleva, à peine perceptible, et avec lui la lumière. Une lumière douce, bleutée, qui éclaira la bouche, puis le visage jaillit silencieusement de l’eau. Celui de Fanette se raidit. Face à la pitié qu’elle lisait dans ces yeux couleur de mousse, elle redressa le menton, consciente de n’avoir plus figure humaine avec ses cheveux roux avalés par les flammes, ses cils et ses sourcils consumés, sa joue par endroits striée de cloques et de sang, le lobe de son oreille boursouflé.
    — C’est toi les soldats, n’est-ce pas ?
    — C’est moi, répondit la créature.
    — J’ai toujours su que tu n’étais pas morte. Depuis le jour où nous nous sommes battues dans le bois, où je t’ai planté ce couteau en plein cœur. Tu te souviens ? J’avais si mal que tu me reprennes Mathieu. Je l’aimais si fort, Algonde. Je l’ai toujours aimé. Même dans la haine. Plus encore dans la haine.
    — Je sais, Fanette.
    Les larmes coulaient, loin d’apaiser le feu de ses brûlures, leur sel la mettait au supplice. Le noir était retombé autour d’elles, mais la caresse des vagues témoignait de la présence de la fée dans le lac. Happée par ses souvenirs, par ce fardeau soudain impossible à garder, Fanette reprit, d’une voix morte :
    — Tu t’es relevée. Tu t’es relevée comme si de rien n’était. J’ai cru devenir folle… Je le suis devenue, oui, je le suis devenue…
    Un sanglot éructa de sa gorge, la plia en avant. Une main froide, mouillée, se posa délicatement sur son épaule. Fanette releva la tête, fouilla l’obscurité de ses yeux repentants.
    — Dis-moi. Dis-moi que mes fils sont vivants. Je ne mérite rien, eux moins encore que toute chose, et pas de pardon, mais je t’en supplie, dis-moi…
    — Jean est sous ma protection avec Bertille et Celma. Mais je n’ai rien pu empêcher pour Petit Pierre. Mathieu m’a prise pour Mélusine. Il l’a emmené en embuscade pour le garder de moi.
    La voix d’Algonde s’était altérée. Fanette bredouilla un merci à peine audible. Elle se rassura. Enguerrand menait le chargement. Il s’élèverait contre Luirieux, ne permettrait pas qu’il pende un enfant.
    Des bruits de bottes résonnèrent dans le tunnel tout proche. Elle pouvait mourir à présent. Plus rien n’avait d’importance.
    Fanette tomba à quatre pattes, laissa l’eau lui battre les avant-bras puis le ventre.
    — Emmène-moi, je t’en prie… Je préfère cent fois ta vengeance à la leur.
    Des bras se refermèrent autour d’elle. Fanette ferma les yeux. Elle avait fait trop de mal à Algonde et à Mathieu dans l’espoir de soulager le sien. Ce n’était que justice. Se laissant entraîner par le fond, elle disparut à la vue des soldats.

17
     
    La cause d’Hélène de Grolée, née Philippine de Sassenage, avait été entendue. Au moment où un messager annonçait l’arrivée imminente de Julie Farnèse aux portes de Rome, le sire de Bressieux recevait le décret d’annulation de son mariage.
    Moins d’une heure plus tard, César Borgia lui-même, en armure et accompagné de quatorze mercenaires suisses se présentait au Palazzo Altemps. Sur ordre de Sa Sainteté, il venait procéder à l’arrestation des Français, sous le prétexte de les mener en sécurité.
    Tandis qu’avec les siens, Elora grimpait dans la litière frappée aux armes du Vatican, Khalil, dissimulé comme à son habitude derrière un tonneau, prenait la véritable mesure de la guerre qui se

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