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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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plaider ma cause une fois que je me serai sagement rendu ? demanda-t-il en s’avançant vers Enguerrand.
    — De te cacher et de te réhabiliter.
    Mathieu scruta son regard dans la pénombre. Une fraction de seconde, Enguerrand eut le sentiment d’un étranger, bien loin de ce jouvenceau avec lequel il avait passé une partie de son enfance. S’était-il trompé ? Pour preuve, Mathieu lui enfila son moignon sous le bras, le fit pivoter savamment et le plaqua de dos contre son buste dans une feinte imparable.
    — Tu viens trop tard pour ça, cracha Mathieu en posant le fil de sa lame en travers de sa glotte.
    Enguerrand ne chercha pas à se dégager. Il ne voulait pas se battre.
    — Ne sois pas stupide. Abaisse cette arme. Tu ne peux aller nulle part sans mon aide.
    — Si tu donnes l’alerte, tu es mort. Avance, ordonna Mathieu en le poussant du ventre.
    Enguerrand obéit, inquiet de le voir revenir vers la route, mais satisfait qu’il dégage sa gorge. Il pouvait encore le convaincre. Il insista :
    — Des chevaux nous attendent en amont. Tu dois me faire confiance, partir avec moi.
    — Désolé, messire, mais j’ai d’autres priorités. Tu veux m’aider ? Alors sers-moi d’otage.
    — Mais pourquoi, grand Dieu ? s’enflamma Enguerrand qui, au son des voix portées par la nuit, apprenait comme Mathieu que les hommes du prévôt avaient finalement emporté la bataille.
    Mathieu n’eut pas le temps de répondre. Lui dire qu’il voulait l’échanger contre son fils. L’unique raison pour lui de vivre. Un sac lui recouvrit la tête en même temps qu’un corps percutait Enguerrand par le travers. Mathieu chercha son souffle, battit l’air de son épée avant de s’effondrer, vaincu par un coup violent derrière l’oreille. Enguerrand accepta la main d’un de ses hommes pour se relever du roncier dans lequel il l’avait précipité. Il était dardé d’épines de la tête aux pieds. Peu lui importait. Il avait réussi, sinon par la douceur au moins par la force.
    Le deuxième des mercenaires achevait d’enfiler le sac autour de Mathieu, immobile à terre. D’un coup de poignard, il incisa la toile à hauteur du nez avant de le charger sur son épaule, comme un simple ballot.
    — Je vous retrouverai là-bas dans deux semaines, jusque-là, gardez-le au frais, leur confirma Enguerrand, en arrachant les aiguilles de ses braies.
    Les deux hommes tournèrent les talons. Lui continua vers la route, pour donner ordre aux soldats d’entasser les cadavres dans le chariot.
    Dans quelques heures, ils parviendraient à Saint-Quentin-sur-Isère et boucleraient les prisonniers.
    *
    Lorsque Fanette déboula dans la dernière des salles, elle trébucha sur un cadavre. À tâtons, elle chercha le visage, devina les traits sous ses doigts cloqués et fut soulagée de ne pas y retrouver ceux d’un de ses fils. Elle avança de quelques pas, buta contre un autre. Recommença le même manège. Une troisième puis une quatrième fois. À la texture des vêtements, elle les identifia comme des soldats. Ceux de Luirieux envoyés à la poursuite de ses fils. D’instinct, son cœur s’emballa dans sa poitrine. Il était impossible que Celma ait réussi seule à les découdre. Les chevilles battues par les eaux du lac, elle mit ses mains en porte-voix, hurla :
    — Jean ! Petit Pierre !
     
    Jean se figea au milieu des roches, impressionné encore du souffle mauvais qui, sortant de la bouche de Mélusine, avait balayé les soldats et rétabli le silence dans la salle. La voix de sa mère s’éleva de nouveau, rebondissant en écho sous la voûte.
    — Je s…
    La main de Celma s’écrasa sur sa bouche, étouffant sa réponse, instinctive. Sa voix se fit triste dans son oreille.
    — Il ne faut pas. C’est elle qui a mené le prévôt.
    Des larmes piquèrent les yeux de Jean. Il n’avait pas envie de croire pareille chose. Non, il n’avait pas envie. Mais le prévôt était là, et les soldats. Et elle… Il hocha la tête. Celma retira sa main, Bertille lui claqua une bise de compassion sur la joue.
    — Ça ira ?
    Il ne répondit pas, se boucha les oreilles à pleines mains pour ne plus entendre cet appel aux accents désespérés et continua d’avancer prudemment entre les rochers. Sa mère le lui avait assez répété. Pas de pitié.
     
    Fanette laissa retomber le silence. Les soldats de Luirieux ne seraient pas longs à venir la prendre. Elle payerait. Doublement. Se jeter à l’eau ?

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