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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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la mine tout soudain fort triste, je l’aimais bien aussi d’amitié. Elle
éclairait la maison par sa joliesse et sa gentillesse. Et j’ai grand regret
qu’elle n’y soit plus.
    Cela m’émut fort et, me jetant dans
ses bras, je le baisai sur les deux joues, et lui promis de revenir à sa table
le proche mercredi.
    J’avais choisi le mercredi pour ce
que c’était ce jour-là que Martinez me devait livrer mon pourpoint de satin
bleu pâle, mes chausses de même couleur, avec des crevés rouges, et une petite
toque avec une plume bleue, le bleu étant la couleur de M me de
Joyeuse, comme le tailleur me l’avait appris. Je fus si transporté d’aise de me
mirer en la grande glace du tailleur et de me voir si beau en cette vêture que
je payai le façonnier sur l’heure et même ajoutai quatre écus à la somme
convenue.
    — Ha, Monsieur de Siorac, dit
Martinez, son teint olivâtre rougissant de bonheur, un gentilhomme qui paye
rubis sur l’ongle est chose rare, mais plus rare encore, celui qui donne en
plus. N’était l’humilité de mon état, je vous embrasserais ! Mais je sais
qui va le faire à ma place.
    Et frappant d’une certaine guise en
ses mains, ses quatre filles apparurent tout soudain, et à chacune d’elles
donnant un de mes quatre écus, il dit :
    — Mes filles, voilà de quoi
ajouter à vos cassettes. Remerciez-en Monsieur de Siorac et baisez-le sur les
deux joues, je vous y autorise.
    Ce qu’elles firent l’une après
l’autre, de la façon la plus tendre, me laissant ébloui et presque ensorcelé
par les œillades de leurs yeux de gazelle.
    — Ha, Martinez, dis-je en riant,
après ce coup, ma pratique vous est à jamais acquise !
    Et je sortis dans la rue de la
Barrelerie, me paonnant à l’infini, et à défaut de passants (l’horloge sonnant
midi), me regardant en tapinois marcher dans ma gloire, la mine cependant
négligente, et mon esprit comme absent de lui-même. Ha, certes ! Ce ne fut
pas dans le logis de Maître Sanche un retour abject et repentant, le coupable
revêtu d’un sac, le chef couvert de cendres et se roulant dans la poussière. Je
m’arrangeai, en outre, pour pénétrer dans la salle en même temps que Maître
Sanche qui, à me voir, resta béant, Dame Rachel, figée, et tout le reste de la
tablée, coi d’étonnement.
    — Mon neveu ! s’écria
enfin Maître Sanche, comment vous voilà vêtu ! Quels atours ! Quel
splendide pourpoint ! Et où allez-vous en si galant appareil ?
    — Très illustre Maître, dis-je,
ce n’est pas vanité, ni ostentation, mais simple obligation. Je suis invité cet
après-midi par M me de Joyeuse, dont je suis, comme vous le savez, le
petit cousin.
    — Ha que matador ! Que
matador ! s’écria Maître Sanche. Ce qui, en son
jargon marrane, voulait dire : qu’il est beau ! Qu’il est beau !
Mon neveu, reprit-il, saluez je vous prie mon épouse à qui j’ai commandé un
petit festin pour célébrer votre retour.
    Ce que je fis de la meilleure grâce
du monde, et presque jusqu’à terre, mais sans l’ombre d’un sourire, et je ne
sus à la vérité comment elle le prit car ce faisant, je me gardai bien de
l’envisager. Sur quoi, fort chatoyant, et la cible de tous les regards, je
m’assis au petit festin que Maître Sanche avait annoncé et qui, certes, ne
méritait guère ce nom, encore que chacun mangeât ce jour-là à peu près à sa
suffisance, mais si j’ose dire, un œil sur son écuelle et un œil sur moi qui
brillais d’un éclat si vif – Fogacer, le sourcil diabolique, souriant en
son for, et Sanche répétant dans sa barbe, mi-atendrézi, mi se gaussant :
    — Que matador ! Que
matador !
     
    *
    * *
     
    L’hiver se passa sans que mes
affaires s’arrangeassent avec Dame Rachel, ses yeux d’agate ne se fixant jamais
sur moi, et pour moi je ne tâchai nullement de m’accommoder à elle, étant
saisi, bien à rebours, d’une rage extrême chaque fois que je me ramentevais la
bassesse avec laquelle elle avait agi en me celant le lieu où s’était retirée
ma pauvre Fontanette. Et à dire tout le fond de la chose, ce qui en cette
affaire me fâchait le plus et, à y penser, me faisait les dents grincer, c’est
qu’elle pût couvrir son dépit et sa cruauté du manteau de la religion.
    Tant mon Samson était rêveux et hors
du monde que ni la Thomassine ni même Azaïs ne voulurent lui dire quoi que ce
fût qui pût troubler son innocence, et il n’apprit jamais le long

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