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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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entretien que
Cossolat avait eu avec sa dame à l’Aiguillerie. Il ne sut pas davantage la
raison du soudain département des Roumieux, et combien qu’il en souffrît
beaucoup, étant dans toute la fleur et naïveté de son premier amour, je me
consolai en pensant qu’il eût été bien davantage navré s’il avait su la vérité.
De retour en sa Normandie, la friponne eut le front de lui écrire une lettre
fort caressante, à laquelle mon bien-aimé frère me demanda de répondre :
je refusai tout net, arguant qu’il était d’âge maintenant à composer lui-même
ses missives : ce qu’il fit, mais de façon si brève et si gauche que ce
fut pitié. Elle lui répondit néanmoins, et un petit courant de correspondance
continua pendant quatre ans encore sans que pourtant ils se revissent, preuve
que la dame n’était pas sans un penchant pour lui. Mais ce penchant ne
l’empêchait pas de pencher ailleurs, et de tremper ses tendres feuillages dans
d’autres eaux. Hélas, que peut-on y faire ? Peut-on changer le nez d’un
chien qui court toutes les pistes à la fois ? Loin de faire ici le
censeur, j’opine qu’il n’est pas de grande conséquence qu’une femme soit ainsi,
pourvu qu’on n’en tombe point amoureux.
    Je continuai tout l’hiver à visiter
M me de Joyeuse, et je progressai en ses faveurs jusqu’à être enfin
le premier de ses martyrs, les autres, à dire vrai, étant quelque peu usés sous
le harnais, tandis que la dame trouvait en moi fraîcheur, effronterie, gaieté
et surtout une grande imagination à tourner de nouveaux compliments, quand les
vertus sédatives des anciens s’étaient épuisées. Mais ce qui l’attacha le plus
à moi, ce fut à la vérité que, lui sachant un gré infini de ses bontés, je
l’aimais vraiment, et je dois dire qu’elle m’accordait en particulier des
privautés dont un martyr n’eût pas dû recevoir le privilège – comme par
exemple en son cabinet lui masser le dos et les tétins avec des onguents –
sans parler d’une grande variété de baisers que nous échangions dans sa ruelle
et enfin de part et d’autre des mignonneries à ne jamais finir mais qui
n’allaient pas, cependant, jusqu’au seuil où M me de Joyeuse eût cru,
si elle l’avait dépassé, tromper son mari.
    Ce seuil, cependant, finit par se
déplacer dans le sens que vous devinez de l’automne à l’hiver, et quand j’étais
seul avec M me de Joyeuse derrière les rideaux bleus de son baldaquin
(le bleu étant, je l’ai dit, sa couleur) et que mes baisers et brassées
l’avaient peu à peu échauffée, elle ne se privait pas de me dire, guidant ma
main : « Mon petit cousin tant joli et mignon, faites-moi cela que je
veux ». Et moi cédant de bon cœur à ses exigences, elle poussait des
soupirs si vifs, si pressés et enfin si violents que vous eussiez cru qu’elle
rendait l’âme. Et certes, je n’étais pas si béjaune que je ne susse ce que cela
voulait dire. Mais j’admirais, à part moi, que tâtant avec moi de ces délices,
M me de Joyeuse pût encore se targuer, ce qu’elle faisait souvent, de
foi garder à son mari. Et le pensement m’est souvent venu que le petit Abbé qui
dirigeait sa conscience – si du moins elle lui disait bien tout –
devait être un directeur d’une bénignité exemplaire ou d’un tact infini. Car, à
la vérité, la pauvre dame voyait fort peu son mari, toujours chevauchant çà et
là, et dans ses voyages à travers nos provinces où l’appelait le service du
Roi, chevauchant aussi d’autres montures qu’on lui amenait à l’étape et dont il
n’était jamais rassasié.
    De mes intimités avec M me de Joyeuse, Aglaé n’était pas sans prendre du dépit, et seule avec moi me le
laissait bien voir.
    — Eh bien, monstre, me
disait-elle, qu’avez-vous encore fait à Madame que vous l’ayez fait tant
gémir ?
    — Rien, dis-je, que je ne vous
ferais volontiers à vous-même si vous me le demandiez.
    — Fi donc, Monsieur !
dit-elle avec hauteur, fille je suis ! Et plaise à la benoîte, sainte et
sacrée Vierge que je demeure en cet état jusqu’au mariage ! Il me semble
pourtant, reprit-elle avec un petit silence, que si le diable devait me tenter
assez pour gémir de par vous, mon âge serait davantage en accord avec le vôtre.
    À ceci que je trouvai quelque peu
perfide pour sa maîtresse, je ne répondis rien.
    — Eh bien, dit-elle d’un ton
piqué, vous restez coi.
    — Aglaé, dis-je, M me

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