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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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aura besoin de toutes ses troupes
et de toutes ses pécunes si les choses se gâtent davantage entre les huguenots
et lui.
    Là-dessus, les plus acharnés se
mettant à craindre que de chasseurs ils ne devinssent chassés –
perspective infiniment moins riante – ils s’accoisèrent et baissèrent la
crête. Ce que voyant M. de Joyeuse, il s’approcha d’eux – qui s’étaient
levés quand il avait quitté son siège – et il les envisagea fort gravement
un à un. Après quoi, il dit, la face composée et la voix grave :
    — Messieurs, j’en ai dit assez.
Je ne voudrais pas peser sur votre décision. Délibérez et délibérez librement.
Je vous quitte.
    — Monsieur le
Lieutenant-Général, dit alors le plus âgé des juges, vous ai-je bien entendu si
je déclare qu’il faut, en ce procès, user de la plus grande circonspection pour
ce qu’il touche aux intérêts du Roi dans la province du Languedoc ?
    — Vous m’avez bien entendu,
Monsieur le Juge, dit M. de Joyeuse avec un petit salut de la tête.
    — Mais, Monsieur le
Lieutenant-Général, poursuivit le juge, plaise à vous de bien vouloir éclairer
plus précisément votre propos. Que requiert l’intérêt du Roi en cette
affaire ?
    — Que l’ordre public ne soit
pas troublé à un moment où il ne tient qu’à un fil.
    — Mais encore ? dit le
Juge.
    — Monsieur, puisque vous m’y
invitez, je parlerai en soldat. Sans fard ni phrase. Vous avez dans vos mains
Cabassus. C’est un athée. Brûlez-le. Cela devrait suffire.
    Ayant dit, et sur un salut des plus
brefs, M. de Joyeuse leur tourna le dos et s’en alla.
    — Ha Fogacer ! dis-je
quand il vint me faire ce récit en l’hôtel de Joyeuse, parlez, parlez !
Vous omettez le principal ! Qu’en fut-il de cette délibération ?
    — Cette libre délibération, dit
Fogacer en arquant son sourcil, dura une demi-heure. Après quoi on relut les
minutes du procès qui retraçaient l’interrogatoire de Cabassus sous la torture,
et fort gravement, on décida de brûler celles de ces minutes qui incriminaient
les écoliers que vous savez.
    — Je suis donc sauf !
m’écriai-je.
    — Si on ne vous assassine, dit
Fogacer, étant céans un huguenot un peu trop voyant et vaillant et dont on
pourrait craindre quelque action d’éclat si les huguenots prennent la ville. Et
puis Siorac, quel meilleur moyen aurait-on de punir M. de Joyeuse d’être un
catholique un peu tiède que d’occire son petit cousin ?…
     
    *
    * *
     
    Comme l’été précédent, l’été 1567 en
Montpellier fut d’une touffeur et d’une chaleur à ne plus pouvoir souffle
prendre. Derechef, on arrosa les rues et on tendit d’une maison à l’autre des
cordelettes supportant des roseaux pour ombrer la rue et rendre la marche plus
aisée, pour ce que le pavé, au zénith, était si brûlant qu’on y eût pu cuire un
œuf.
    Afin que de me protéger contre mes
ennemis, j’avais obtenu du Chancelier Saporta, par dérogation spéciale, de
porter dague, épée et pistolet rue du Bout-du-Monde et même en l’enceinte de
l’École, et je ne sortais jamais ni de l’École ni de l’apothicairerie sans être
accompagné de Miroul et de Samson. Le mercredi, M me de Joyeuse avait
la bonté d’envoyer son carrosse me quérir rue de la Barrelerie, avec deux
grands faquins armés sur le marchepied arrière, et un archer portant arquebuse
à côté du cocher. Elle me faisait ramener chez moi la nuit dans le même
appareil.
    Pour ne point m’exposer, la
Thomassine me défendit de mettre le pied chez elle, le quartier de Saint-Firmin
grouillant, la nuit tombée, de gueux désespérés dont on eût armé le bras contre
moi pour quelques sols. Mais louant une chaise, elle se fit porter par son
gardien Espoumel et un honnête maraud, tous deux armés, jusqu’à
l’apothicairerie où elle osa monter me visiter en ma chambre, richement vêtue,
les traits masqués et une voilette de soie noire jetée sur ses cheveux. Elle
eut le front de dire au cyclopéen Balsa qu’elle était ma cousine, et Balsa,
fort troublé, le répétant au très illustre maître, celui-ci, hochant la tête,
se borna à citer un passage du Coran : « Si la montagne ne va pas à
Mahomet, Mahomet ira à la montagne. »
    Je sus plus tard par Luc que Dame
Rachel, le fiel lui coulant des lèvres et le venin des yeux, lança à cette
occasion contre son mari une furieuse diatribe, l’accusant de tolérer sous le
toit où elle-même vivait

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