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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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de
voix et de ton, vous avez été nommé par Cabassus. Vous êtes en danger de votre
tête, et je ne vous parle que de moi ! Il y a eu tumulte, ai-je ouï, lors
de la dégradation de ce malheureux.
    Je lui dis alors tout ce que j’avais
observé du haut de ma fenêtre, et le traquenard dont Cossolat d’abord, puis
moi-même à mon départ de l’apothicairerie, avions failli être les victimes. À
cela qu’elle écouta en pâlissant, elle sourcilla et grinça des dents, et mon
récit fini, oubliant son mal en son ire, elle se leva, et marchant à pas
rageurs dans la pièce et se mordant les poings, elle dit aussi rugissante et
terrible que lionne défendant ses petits :
    — Quoi ! Ces scélérats me
veulent assassiner mon mignon ! Et je laisserais faire ! Et je
subirais cet outrage ! Tudieu ! Cela ne se fera pas, si j’ai encore
quelque crédit auprès de M. de Joyeuse ! Mon petit cousin, attendez-moi
céans, et ne bougez d’un pouce. Je vais l’aller voir et incontinent je reviens.
    Ce qui se passa ensuite –
l’entretien entre le Lieutenant-Général du Languedoc et son épouse – je ne
le connus que par le récit que m’en fit M me de Joyeuse et dont je me
ramentevois fort bien, tant il fut vif et coloré.
    M. de Joyeuse était à son dîner
quand son grand faquin de valet lui manda que M me de Joyeuse
désirait l’entretenir.
    — Madame ! dit-il en se
levant et en allant vers elle, qu’avez-vous besoin d’être annoncée ? Ma
porte, ajouta-t-il avec un sourire, vous est ouverte jour et nuit, combien que
je respecte la vôtre, ne désirant point violer les arcanes et mystères dont
votre beauté s’entoure.
    — Monsieur mon mari, c’est trop
de bonté, dit-elle tandis que lui prenant la main, il la conduisait à un
fauteuil. Je vous sais un gré infini de votre civilité.
    — Madame, me feriez-vous
l’honneur sans plus de façon de partager mon repas ?
    — Ha doux Jésus,
Monsieur ! Ne me parlez point de viande ni de gloutir ! J’ai fait
hier soir un petit souper qui m’est resté sur l’épigastre.
    — Gageons, Madame, dit le
vicomte en riant, qu’il n’était pas si petit. Mais si vous me permettez,
j’oserais manger tout en vous écoutant ; j’ai une faim canine, revenant
sur l’heure de Nismes, où je crains quelque affrontement entre les huguenots et
nos catholiques, l’Évêque Bernard d’Elbène ayant été assez mal avisé pour
révoquer les régents du collège ès-arts [80] pour ce qu’ils
étaient tous de la religion réformée. Hélas, à mon arrivée, le mal était fait
déjà. J’ai dû soutenir Bernard d’Elbène, quoi qu’il m’en coûtât. Mais je crains
le pire à Nismes. À ce que j’ois, ce ne sont de part et d’autre que sourdes
menées, complots et assemblées secrètes.
    — Ha Monsieur ! dit M me de Joyeuse, vous allez avoir le même prédicament céans. Avez-vous entendu
Cossolat ?
    — Je l’entendrai demain.
    — Et trop tard ce sera !
s’écria M me de Joyeuse.
    Et incontinent, elle fit à son mari
le récit de la dégradation de Cabassus, de l’émotion qui l’avait suivie, des
révélations de Cabassus et de l’assaut auquel mes compagnons et moi avions à
peine échappé.
    — Et où sont nos trois
écoliers ? dit M. de Joyeuse en sourcillant à ce récit, étant fort
courroucé qu’on eût fait des tumultes derrière son dos pendant qu’il se
trouvait à Nismes.
    — Ici même. Deux chez notre
intendant. Et M. de Siorac en mes appartements.
    — Je gage qu’il n’est pas des
trois le plus malheureux, dit le Vicomte avec un sourire. Et je suis, quant à
moi, content que votre petit cousin, qui tant vous charme et vous égaie, vous
aide à supporter la solitude que les devoirs de ma charge m’obligent trop
souvent à vous imposer.
    — Il est de fait, Monsieur, dit
M me de Joyeuse, que pour une femme jeune encore et qui conserve
quelques restes de beauté, je me trouve assez souvent délaissée.
    — Ah ! Ce n’est que trop
vrai, Madame ! dit le Vicomte en s’inclinant. Et je me le reproche assez.
Je ne rends pas à votre émerveillable beauté tous les hommages que je lui dois,
chevauchant beaucoup pour le service du Roi par toutes les sénéchaussées de mon
gouvernement.
    — Où, cependant, je suis
heureuse d’ouïr que des beautés plus rustiques ne laissent pas de vous
conforter.
    — Madame, dit le Vicomte en
s’inclinant derechef, je suis ravi que vous montriez tant de généreuse

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