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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’éhontée et répétée fornication d’une gouge vivant en
vilité et d’un déterreur de cadavres.
    — Une fornication,
Madame ? dit Maître Sanche en sourcillant. Avez-vous écouté à la porte de
M. de Siorac ?
    — Moi non. Mais Concepcion l’a
fait.
    — Concepcion fera donc sur
l’heure son paquet, dit Sanche, et bien inspirée vous fûtes, Madame, de ne pas
l’imiter. Il vous en aurait cuit.
    Là-dessus, il lui tourna le dos, la
laissant bouillir et rebouillir dans les poisons que son âme aigre sécrétait.
    Vers la fin août, Cossolat me fit
mander à l’auberge des Trois-Rois où je le trouvai dans le petit cabinet
de l’alberguière, la mine fort soucieuse devant un rôt et un flacon.
    — Ha Pierre ! dit-il, les
choses vont mal. Je le tiens de M. de Joyeuse qui m’en a informé ce matin.
    — Fort mal ? dis-je, pour
moi ? pour les nôtres ?
    — Pour le royaume.
    Là-dessus il vida son gobelet et,
m’ayant fort gravement envisagé, il poursuivit :
    — Vous vous ramentevez sans
doute les alarmes que nous avions conçues quand Philippe II, pour châtier
les « gueux » des Flandres – qui ont même religion que
nous – fit filer une puissante armée le long de nos frontières. Condé et
Coligny demandèrent alors à Catherine de Médicis et au Roi la levée de six
mille suisses. Ce qui fut fait. Mais l’armée de Philippe II ayant atteint
le Luxembourg, Catherine de Médicis, ne craignant plus pour son royaume,
changea de camp comme à l’accoutumée et fit porter à l’Espagnol six mille
charges de blé. Pierre, avez-vous bien ouï cette infamie ? Le Roi de
France ravitaillait les troupes qui allaient massacrer nos frères réformés des
Flandres ! Qui pis est : le Roi, l’Espagnol parti, ne licenciait pas
les suisses ! En vain, Condé demandait quotidiennement leur renvoi.
Savez-vous ce que le Connétable à la fin lui dit ? « Que voulez-vous
qu’on fît de ces suisses si bien payés si on ne les employait pas ? »
Et les employer contre qui ? poursuivit Cossolat en abattant son poing sur
la table. Puisque l’Espagnol était dans les Flandres !
    On toqua à l’huis, et l’alberguière,
passant la tête, me demanda si je voulais moi aussi un rôt et un flacon.
    — Certes, mamie, dis-je, mais
cette fois-ci je ne les paierai pas si cher.
    À quoi elle rit, et Cossolat aussi,
mais d’un ris qui ne passa pas le bout de ses dents, tant il avait martel en
tête de son grand souci.
    — Vous entends-je,
Cossolat ? dis-je quand elle fut partie. L’Espagnol étant aux prises avec
les gueux des Flandres, les suisses, cessant d’être contre eux un bouclier,
deviennent en France un pistolet pointé contre les nôtres ?
    — Vous m’entendez fort bien.
    — Et que fit Condé pour
désarmer ce pistolet ?
    — Il réclama la charge de
Lieutenant-général. S’il l’avait obtenue, il eût été, certes, malaisé de
tourner les suisses contre les huguenots, puisque dans cette hypothèse, c’est
lui qui les aurait commandés.
    — Mais, dis-je assez troublé,
n’était-ce point s’avancer beaucoup pour un huguenot, fût-il prince du sang,
que de briguer une charge qui faisait de lui le second du royaume après le
Roi ?
    — Assurément ! Mais que
décider en ce prédicament ? Il y a une logique dans les choses. À
méfiance, méfiance répond.
    — Et que fit le Roi à front de
cette grande prétention de Condé ?
    — Le Roi ne fit rien. La
Reine-mère fit tout. Elle dressa contre Condé son autre fils tant chéri, son
mignon adoré : le Duc d’Anjou 1 . Et ce béjaune qui se pimploche
comme femme, se pulvérise de parfums et mange ses viandes avec une petite
fourche…
    — Ho pour cela, dis-je en
riant, M. de Joyeuse en fait autant !
    — C’est différent, dit Cossolat
en sourcillant, M. de Joyeuse est un homme. Bref, le Duc d’Anjou [81] ,
en plein conseil, osa parler avec de grosses dents à Condé, lui reprochant de
fort insolente guise de briguer une charge qui lui revenait à lui, frère du
Roi. Titre qu’il fit sonner à grandes cloches !
    — Et quoi de très étonnant à
cela ? dis-je. N’en feriez-vous pas autant à sa place ?
    — Mais le Duc d’Anjou est un
béjaune ! s’écria Cossolat. Pardonnez-moi, mais il a tout juste votre
âge ! Et il n’a jamais commandé ! Et surtout, Pierre, l’inouïe
bravade, défiance et menace dont il usa ! Il marcha sur Condé et le tança
et rebiqua comme un valet, tenant

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