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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pas
papiste.
    — Pourquoi le fais-tu,
alors ?
    — Pour ce que vous n’êtes point
de Nismes. Et qui peut avoir fiance, en ces occasions, à quelqu’un qui n’est
point de Nismes ?
    — Tu as raison, savetier. Fais
ton devoir. Frappe au cœur, sans tant languir.
    Et saisissant son poing nu, je m’en
donnai un coup dans la poitrine et criai :
    — Hélas ! Je suis
mort !
    Passant alors tout soudain derrière
lui, je fis signe à Miroul d’imiter mon trépas, ce qu’il fit à merveille, son
œil marron s’égayant fort. Après quoi, je donnai au savetier dans le dos une
poussée fort petite, et il tomba à deux genoux, tâtant des deux mains sur le
pavé comme s’il nous y eût cherchés et marmonnant d’une voix fort
hébétée :
    — Les ai-je occis ?
    Je me tournai alors vers le
cuisinier, celui qui ne quittait jamais sa toque, et lui dis à l’oreille, ayant
quelque raison de penser qu’il aimerait assez nous aider :
    — Ami, asperge-le du sang d’un
poulet. Sa dague aussi. Quoi fait, noie ses esprits avec un gobelet
d’esprit-de-vin. Qu’il dorme une dizaine d’heures et rêve nous avoir occis.
Quant à toi, drolissou, dis-je à un gâte-sauce, voici deux sols. Va bâter et
brider nos chevaux et tiens-les prêts.
    Je me gardai bien de revenir dans la
salle où nos vaillants festoyaient en chantant derechef tous ensemble les
diverses chansons de leur état, ce qui faisait une bien horrible cacophonie.
Mais passant devant leur porte, que l’alberguière devant moi referma, je gagnai
ma chambre, où je trouvai mon Samson se rongeant les poings, ayant appris par
l’alberguière ce qu’il en était de ce banquet. Je lui dis le reste en peu de
mots, et lui commandai, ainsi qu’à Miroul, de s’armer en guerre, avec morion et
corselet.
    — Et où irons-nous ? dit
Samson. Puisque les portes nous sont fermées.
    — Quérir ce capitaine
Bouillargues, le trouver enfin, lui remettre nos lettres, celle de Chambrun
comme celle de Cossolat, et lui demander des laissez-passer.
    — Mais, dit Samson, il y a
grand péril pour toi et pour Miroul à vous montrer dans les rues de Nismes,
étant proscrits par ce Pavée !
    — Certes, mais la nuit est
tombée. Nos morions nous cachent à demi le visage, et armés en guerre comme
nous sommes, et comme ils le sont, nous passerons davantage inaperçus qu’en
pourpoint.
    On toqua à la porte et,
l’entrebâillant, je vis que c’était l’alberguière. Ne voulant point
l’entretenir devant Samson, je l’entraînai dans ma chambre, dont je tirai
incontinent le verrou.
    — Ha ! dit-elle. Vous avez
comme moi ouï ! Ils n’ont pas pris l’Évêque ! Et qu’en est-il de M.
de Montcalm ?
    — Il est en fuite.
    — Merci, bonne Vierge, dit
l’alberguière. Mais, poursuivit-elle d’un air assez tendre, départez-vous sur
l’instant, mon noble moussu ? Vous ne risquez plus rien céans. Nous avons
porté ce grand fol de savetier dans la salle, où il a dit vous avoir l’un et
l’autre occis, après quoi il s’est endormi comme souche, la trogne sur le bras,
et les bras sur la table. Mais départez-vous de présent, moussu ?
    — Mamie, dis-je avec un
sourire, je suis bien marri de vous quitter. Mais il me faut quérir ce
Bouillargues, pour avoir les laissez-passer.
    — Mais, moussu, vous avez le
temps : la nuit n’est pas noire assez.
    — Eh bien, mamie, en attendant,
parlons de vous. Il ne vous faut point moutons manier sans en avoir toison.
Qu’opinez-vous de cinq écus pour éponger ce banquetage ? En serez-vous
satisfaite ?
    — Ha, moussu ! dit-elle en
me regardant d’un certain air. Point de pécunes entre nous !
    Et cependant, tandis qu’elle
protestait, les écus passèrent de mon escarcelle à la sienne sans trop gémir,
et pour moi, je ne gémis pas non plus d’avoir fait couler tant de vin pour que
mon sang ne coulât point. Mais mon cinquième écu ayant gagné sa bourse, debout
devant moi, l’alberguière m’envisageait, s’accoisant, avec des yeux comme des
lunes, et moi sachant bien ce qu’elle voulait, et que je voulais aussi, étant
fort content d’être en vie après avoir été si près de ne plus l’être et n’étant
pas assuré de le demeurer dès que je passerais sa porte, je voulus jouir de
cette bonace-là entre deux tempêtes, et si bref que fût ce petit paradis, y
entrer du moins, ne fût-ce que le temps d’un soupir. Ha, lecteur, ne sourcille
point. Si c’est péché d’être si

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