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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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dit
Cellerier.
    Et combien que cette gausserie, pour
cruelle qu’elle fût, valût peut-être mieux que la vérité, elle ne fit rire que
deux ou trois soldats, fâchant assez les autres. Cependant, Mazoyer, dodelinant
du chef, et n’entendant pas davantage, demanda encore, comme hésitant :
    — Mais où m’emmenez-vous,
Monsieur ?
    — À l’Évêché, dit Cellerier
avec un sourire qui me déplut fort. Vous y serez mieux qu’ici ! Allons,
assez jasé, cela suffit. Partons !
    — Et nous ? cria une voix
fort angoissée parmi les papistes qui demeuraient. Et nous, Monsieur ?
Allez-vous une prochaine fois nous appeler aussi ? Devons-nous tous
mourir ?
    À quoi, Cellerier sourcilla si fort
que je crus qu’il n’allait pas répondre. Mais cependant, après un instant
pendant lequel il parut balancer, l’honnêteté l’emporta sur la cruauté et il
dit de sa voix rude :
    — Je ne sais point. Les
Messieurs n’ont pas encore résolu.
    — Mais vous, voisin ? cria
une autre voix. Qu’opinez-vous qu’ils résoudront ?
    Cellerier parut troublé et battit la
paupière, comme s’il connaissait bien cette voix-là pour l’avoir souvent ouïe
et, se détournant, il dit en partant, par-dessus son épaule, quasiment à la
dérobée et comme s’il était vergogné de faire à des papistes cette petite
charité :
    — J’opine que vous ne mourrez
pas tous.
    Phrase qui, cruelle cette fois sans
le vouloir, déplaçait le doute, mais ne le supprimait point.
    Je m’arrangeai pour sortir de la
salle le dernier, avec Miroul et Samson, afin que de n’être pas trop éclairés
par les torches, mais nous risquions fort peu qu’on vînt sous le nez nous
envisager, les soldats n’ayant d’yeux et d’ouïe que pour les prisonniers,
lesquels, sauf Nicolas Sausset, se déportaient avec courage, mais jetaient
cependant, en passant dans les rues, quelques regards désespérés sur les
maisons, comme s’ils eussent pu attendre du secours de ce côté-là. Hélas pour
eux, la ville était morte, sans qu’une chandelle même brillât aux fenêtres, les
volets étant clos, les portes remparées, pour ce que les Messieurs avaient fait
défense aux papistes de mettre cette nuit-là le nez dehors, en telle guise que
le pavé appartînt aux huguenots, et à eux seuls.
    Cependant, tandis que nous
cheminions, les prisonniers au milieu de nous, Quatrebar, de cette voix sonore
qui avait dû si bien résonner sous les voûtes de l’Église Cathédrale, les
exhortait à la patience, répétant de minute en minute avec exaltation :
    — Mes frères ! Mes
bien-aimés frères ! Je vois les cieux grands ouverts, déjà, pour nous
recevoir !
    À quoi les soldats finirent par
murmurer, l’un d’eux s’écriant avec indignation :
    — C’est bien plutôt l’enfer qui
t’attend, idolâtre !
    — Paix là ! dit Cellerier
en tournant la tête. Paix dans le rang ! Et toi, prêcheur, prêche moins
fort ton dernier prêche !
    — Et pourquoi t’obéirais-je,
hérétique ? cria Quatrebar en levant haut la crête. Tu ne peux me bailler
qu’une mort !
    — Mais c’est la bonne !
dit Cellerier.
    À quoi les soldats rirent fort et
haut.
    C’était bien l’Évêché notre
destination, comme Cellerier l’avait dit en se gaussant au pauvre chanoine
Mazoyer qui pouvait si peu marcher à notre pas que les soldats se relayèrent à
le porter. Et non point tant l’Évêché que la cour fermée qui se trouvait
devant, laquelle était grande assez, fort bien pavée et comportait en un angle
un beau puits d’amples dimensions surmonté de ferrures ouvragées. Au fond,
s’élevait un beffroi, avec quatre ouvertures en plein cintre, et sur trois
côtés, les murs qui fermaient la cour étaient couronnés par un chemin de ronde à
quoi on accédait par des degrés. Sur ces degrés, sur le chemin de ronde et dans
les ouvertures du beffroi, on avait disposé bon nombre de soldats portant des
torches dont le vent de la nuit tordait les flammes, ce qui faisait que les
pavés de la cour avaient l’air de branler. Un coin d’ombre subsistait à
l’aplomb d’un des murs, et je me hâtai de m’y mettre avec Samson et Miroul,
craignant d’être découvert et questionné avant que ne survînt le Capitaine
Bouillargues – lequel, cependant, nous attendîmes pendant des heures,
n’osant bouger.
    La sueur dans le dos me coulait et
le cœur me cognait autant que si j’eusse dû moi-même affronter la mort.
Cependant, tant

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