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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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terrestre, pardonne-le-moi. Il est si doux de
vivre. Et n’était-ce pas merveille, de me sentir chaud et vibrant en cette
bonne garce, alors qu’à cette minute même, j’eusse pu me trouver sanglant et
froid sur le pavé ?

CHAPITRE XIV
    J’avais ouï dire par mes exécuteurs,
tandis qu’ils jasaient à table sur leurs gobelets, qu’il y aurait à neuf heures
du soir grande assemblée des religionnaires sur la place de l’Église
Cathédrale. Je résolus de m’y rendre, avec Samson et Miroul, me disant que si
le Capitaine Bouillargues devait être trouvé, c’est là, assurément, qu’il
serait, et pensant aussi que je pouvais, le morion sur le nez, me hasarder la
nuit dans cette foule en armes sans être du tout reconnu, et d’autant qu’à
peine arrivé là, je ne laissai pas d’observer qu’on se frottait à des huguenots
des pays circonvoisins, parlant chacun leur oc particulier, lesquels s’étaient
hâtés d’accourir, à peine connue la prise de la ville par les nôtres. Et je ne
voyais pas non plus qu’on les déprisât ni qu’on se méfiât d’eux en aucune
guise, comme eût fait mon savetier, pour ce qu’ils n’étaient pas de Nismes.
Bien le rebours.
    Il y avait grande liesse en ce
peuple qui se revanchait cette nuit-là des cruelles persécutions que les nôtres
avaient subies depuis François I er . Mais combien qu’il criât à gorge
déployée : « Tue papistes ! Monde nouveau », je ne vis pas
que se dessinât le moindre mouvement pour se répandre dans la ville, forcer les
maisons et occire les catholiques sans épargner femme, fille ou
enfantelet – comme, hélas, les papistes firent, cinq ans plus tard, aux
nôtres, en la nuit si funeste de la Saint-Barthélemy.
    Nous fûmes là une bonne heure mêlés
au populaire avant que d’oser parler à quiconque, mais envisageant à la fin un
quidam qui avait bonne trogne et, d’après ses jaseries, paraissait bien
connaître son monde, je lui dépêchai Samson, pour ce que ce dernier était tout
à plein déconnu à Nismes, n’ayant pas depuis le midi sailli de l’auberge de la Coquille.
    — Mon beau moussu, dit le quidam,
envisageant Samson avec de grands yeux comme s’il eût vu l’archange saint
Michel descendre en sa gloire et beauté d’un vitrail papiste pour lui parler,
si vous avez affaire au Capitaine Bouillargues, vous n’êtes que de suivre le
peloton de Pierre Cellerier, qui part à cette heure pour la maison de ville, et
si d’une semelle vous ne le quittez, vous êtes assuré de trouver Bouillargues à
l’autre bout.
    — Ce Pierre Cellerier est-il
aussi un capitaine ? demanda Samson.
    — Non point. Il est orfèvre, et
des plus étoffés, mais toutefois, huguenot sévère et imployable.
    Je tirai par le coude Samson,
craignant qu’il jasât trop, et incontinent nous nous mîmes à la queue du
peloton, fort de trente hommes au moins, qui s’ébranlait et marchait par trois
en assez bon ordre. Ce qui fait que Miroul, Samson et moi, nous formâmes un
rang de plus, sans que personne s’en étonnât. En outre, il faisait maintenant
nuit noire, et le peloton étant éclairé dans sa marche par quatre ou cinq
hommes porteurs de torches et qui marchaient en tête, la queue, où nous étions,
restait dans la pénombre.
    On arriva à la maison de ville et
là, au lieu que les soldats restassent dehors comme je m’y attendais, Pierre
Cellerier leur commanda de le suivre et, descendant quelques degrés, la troupe
se trouva devant une porte fortement gardée par les nôtres, mais qu’a notre vue
ils déverrouillèrent, nous donnant accès à une salle où les prisonniers
papistes étaient serrés. Cette chambre, comme j’ai dit, servait d’abattoir et
de mazelerie pour fournir de la chair aux malades pendant le carême. Elle était
fort humide, basse de plafond, méchamment pavée, avec une rigole centrale pour
l’écoulement du sang, une grande table de pierre et de chiches ouvertures
aspées de bandes de fer, raison sans doute qui l’avait fait choisir comme geôle
pour y mettre la centaine de personnes qui se trouvaient là, lesquelles
comptaient surtout des prêtres et des moines de différents ordres, mais aussi
des bourgeois et quelques ouvriers mécaniques, dont un que je reconnus pour être
ce Doladille que Jean Vigier avait blessé au bras.
    Comme tous ces malheureux
moisissaient dans l’obscurité, dès qu’ils envisagèrent les torches et les
soldats en armes, ils reculèrent, éblouis et

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