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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Il est petit
clerc à l’Évêché, point encore tonsuré, et n’a jamais rien dit ni fait contre
nous !
    — Il n’empêche, dit l’un des
exécuteurs : il a été trouvé se cachant avec l’évêque et ses domestiques
dans la maison du Conseiller de Sauvignargues. Robert Aymée l’a blessé d’un
coup d’épieu à la cuisse et nous a commandé de le porter ici pour y être avec
les autres dépêché !
    — Quoi ! s’écria Anicet.
Ce pendard d’Aymée nous baillerait des commandements ? Il n’y a que les
Messieurs ou le Capitaine Bouillargues à posséder ce droit !
    — Peu me chaut qui a le droit
ou pas, dit le second des soldats. Le drole est à nous pour l’avoir porté
jusqu’ici. Et je veux son pourpoint !
    — Et moi, ses chausses !
dit l’autre.
    — Par ma foi, s’écria Anicet
pointant contre eux son épée. C’est là pillerie et larronnerie, et non point
zèle ! Compagnons ! Laissez ce drole et sa vêture, et remettez-lui la
vie, ou je prendrai la vôtre !
    À quoi, les deux soldats, béants,
s’entrevisagèrent en silence, puis l’un, se penchant, parla à l’oreille de
l’autre, qui acquiesça. Et tout soudain, prenant du champ, ils tirèrent leurs
épées, qu’ils avaient remises au fourreau pour dépouiller Pierre Joumet.
    — Sanguienne ! cria l’un.
Nous sommes deux ! Et tu es seul ! Vas-tu nous affronter tous les
deux, compagnon ?
    Je m’arrachai alors de force forcée
à la main de Miroul et dégainant, fus aux côtés d’Anicet en un battement de
cil.
    — Qu’est celui-là ? dit le
soldat.
    — Le juge de cette disputation,
dis-je.
    Et enveloppant son épée de la
mienne, par un soudain mouvement du poignet, je la lui fis sauter à dix pas, ce
qui, à vrai dire, ne fut pas un exploit, tant il la tenait mal.
    Quoi fait, je lui mis la pointe de
la lame sur la gorge.
    — Et voici mon arrêt, dis-je.
Vous allez porter Pierre Journet en la maison où se trouve le Capitaine
Bouillargues. Et il tranchera le cas.
    — Quoi ! Le porter
encore ! cria le soldat qui confrontait Anicet, le mien étant plus muet
que pierre.
    — Voilà de quoi t’y résoudre,
dis-je.
    Et saisissant mon pistolet, qui
pendait à mon côté senestre, je le braquai sur lui.
    L’homme remit sa lame au fourreau,
sans baragouiner plus outre, et se disposa à reprendre le fardeau qui tant lui
déplaisait depuis qu’il n’était plus sûr d’en tirer marchandise.
    Le plus étrange de cette
contestation, c’est que les exécuteurs qui, dans la cour de l’Évêché,
assistaient à cette scène, l’envisagèrent en silence, comme hébétés de
lassitude, sans presque entendre de quoi il s’agissait, et sans intervenir. On
eût dit que l’affaire ne les concernait point, et qu’ils ne tuaient plus, quant
à eux, que par la force de l’habitude qu’ils en avaient prise depuis le coucher
du soleil.
    On trouva le Capitaine Bouillargues
en sa maison, armé en guerre, mais à ce que je compris, peu disposé à mettre
cette nuit-là le museau hors du terrier, étant trop avisé pour se montrer à la
maison de ville ou à l’Évêché, et sachant trop ce qui s’y faisait, puisque
c’était lui et les Messieurs qui l’avaient commandé. De son corps, qui était
grand, gros et lourd, le capitaine tenait de l’ours, mais de sa face, comme
Anicet avait si bien dit, il tenait plutôt du renard, ayant des petits yeux
rusés, et la narine mobile et fureteuse, comme pour éventer les pièges avant
d’avancer la patte. Ha, certes ! Ce n’était pas le genre de goupil à
piller ouvertement un poulailler, ni à faire grossière picorée dans la maison
d’un papiste en fuite, comme François Pavée au logis de M. de Montcalm !
Cependant, je tiens de la bouche même de Dame Étienne André, qu’elle versa en
secret à ce Bouillargues (chez qui tout était faux, y compris son nom, car il
s’appelait, en réalité, Pierre Suau) mille livres d’espèces sonnantes pour
qu’il épargnât la vie de son mari, que sur son commandement on avait arrêté. Et
bien après que la Michelade fut finie (on appela ainsi la tuerie de Nismes,
pour cette raison qu’elle eut lieu le lendemain de la Saint-Michel), j’appris
que Bouillargues reçut en rançon cette nuit-là des pécunes de toutes mains et
qu’il tint boutique et marchandise des vies qu’il avait le pouvoir de trancher
ou de sauver, s’enrichissant ainsi d’écus anonymes, et non point comme Pavée,
et tant d’autres

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