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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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et
élégant sur un banc en maçonnerie accoté à la petite guérite protégeant de la
pluie l’escalier que nous avions gravi.
    — Siorac, dit-il, me voyant
tout rêveux et pantois, venez vous asseoir à côté de moi à l’ombre, tant chaud
déjà est le soleil. Point n’ai voulu vous piquer mais vous pousser quelques
bottes pour tâter votre science. Je ne peux, en qualité de procurator, vous
inscrire sur le registre du collège royal de médecine que vous ne m’ayez
contenté par de suffisantes connaissances en logique et en philosophie.
    — Eh bien, dis-je en
m’asseyant, la crête fort rabattue, comment opinez-vous, en ces matières, de ma
capacité ?
    — Assez mal, combien que vous
soyez déjà fort bien nourri en médecine par Monsieur votre père. Mais la logique
et la philosophie étant les deux mamelles par où le lait du savoir est censé
couler en nous, vous ne serez jamais reçu au rang des doctes, ni même
immatriculé en notre collège royal, si vous n’avez appris à mieux sucer ces
ineptes tétins.
    — Quoi ? dis-je.
Ineptes ? Vous les déprisez donc ?
    — Medicus sum et in
medicinam solam credo [14] . Quant aux mamelles que je viens de dire,
je les tiens pour vides, vaines, flasques, et scolastiques. Mais ce n’est pas à
dire que je n’excelle point à les manipuler. Il n’est meilleur disputateur au
collège royal omnium consensu [15] que votre dévoué, mais non point humble serviteur. Cependant, ajouta-t-il avec
un sourire, par courtoisie autant que par prudence, je le cède là-dessus aux
professeurs royaux.
    Je restai coi à ouïr le bachelier
Fogacer mordre à si belles dents le vénérable parpal où, devant qu’il étudiât
la médecine, il s’était nourri. Est-ce donc là, pensai-je, cette philosophie,
déprisée en secret de ceux qui s’en ornent en public, et suis-je déjà dans les
coulisses de ce théâtre-là, avec les perruques et les fards ?
    — Cependant, poursuivit
Fogacer, il n’y a pas péril en la demeure, pour peu que vous suiviez mes avis.
Ce jour d’hui est le 27 e jour du mois de juin, et les cours de
médecine commencent à la Saint-Luc, à savoir le 18 octobre : J’ai donc
tout le temps, si cela vous agrée, de vous dégrossir, votre frère et vous, dans
les matières que j’ai dites.
    Je n’avais pas été élevé en vain
dans la stricte économie huguenote, puisqu’au bruit de pièces et de piécettes
qui tintaient dans ce discours, je ne manquai pas de dresser l’oreille, le poil
tout hérissé.
    — Fogacer, dis-je avec
froideur, Samson et moi, nous sommes fils cadets et notre pécule n’est pas
gros. Parlons donc sans détours. Combien nous en coûtera-t-il, dans ces trois
mois qui viennent, d’avoir le bénéfice de vos bonnes leçons en logique et en
philosophie ?
    — Ha ugonau ! cria Fogacer
en riant et en levant son sourcil diabolique, seriez-vous chiche-face et
pleure-pain ? Et me soupçonnez-vous d’éhontée gripperie ? Vous errez,
Siorac, je suis très modéré en mes prix. Je vous baillerai à tous deux, tous
les deux jours, deux heures de mon temps, et il vous en coûtera à chaque fois
deux sols, plus, deux fois par semaine, un repas, avec votre frère et vous-même,
à l’auberge des Trois-Rois, où vous paierez huit sols environ pour le
rôt de chair de porc dont je me régalerai. Eh bien, que vous en pense ?
Vous allez dépenser beaucoup davantage pour suivre les cours que le Docteur
Saporta donne de soi aux nouveaux écoliers pendant l’été…
    — Mais les dois-je suivre s’ils
sont si coûteux ? En tirerai-je profit ?
    — Naïf enfantelet, dit Fogacer
avec un sourire, vous devez les suivre, même s’ils ne vous sont d’aucun profit.
Saporta est avec Rondelet, Feynes et Salomon dit d’Assas, un des quatre
professeurs royaux, et quand Rondelet qui est vieux et mal allant passera de ce
monde dans l’autre, Saporta sera élu chancelier. Allez-vous dépriser les cours
privés de votre chancelier ?
    — Et ceux de mon
procurator ? dis-je en riant. Tope, Fogacer ! Je suis de ce jour
votre disciple en logique et en philosophie. Et sanguienne ! si creuse, à
votre dire, que soit cette provende, je la gloutirai d’un coup de gueule.
    — Voilà qui est parlé !
dit Fogacer fort content de lui et de moi. J’aime le grand appétit où je vous
vois. Nous commencerons demain.
    Là-dessus, sans mot piper, il
m’envisagea un long temps en souriant et je l’envisageai aussi. Son cheveu

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