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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pire ?
    — Pour moi, s’il plaît au
Seigneur de me jeter dans les flammes pour l’amour de ma belle, j’envisage
l’enfer sans frémir. On ne brûle qu’une fois !
    — Nenni ! cria-t-il, sa
belle face travaillée d’une grande détresse. Éternelle est la torture des
damnés !
    — En ce cas, je renaîtrai de
mes cendres et je rôtirai derechef. Couard ne suis.
    À ce mot de « couard », il
cilla fort et se remochina, mais ne sachant que dire, il resta coi,
m’envisageant de ses yeux d’un bleu si tendre et si pur que le cœur me serra
tandis que je reboutonnais mon pourpoint.
    — Mais où allez-vous ?
dit-il, fort étonné.
    — Me jeter aux pieds de Dame
Gertrude du Luc, lui demander pardon de votre infâme cruauté (il frémit à ouïr
ceci), et lui dire que je l’aime comme un frère, mais serais disposé à l’aimer
autrement, si elle y consentait.
    — Quoi ! s’écria-t-il,
tout à fait hors de sens. Vous feriez cela !
    — Assurément. Si l’ignare
sauvage des îles, trouvant une perle dans une huître, la déprise assez pour la
jeter dans la poussière du chemin, qui m’empêche de l’aller ramasser ?
    — Mon frère ! dit-il dans
un cri, vous me briseriez le cœur !
    — Ce cœur que vous n’avez
pas ! dis-je en haussant le ton. Ha, mon frère ! Comment pouvez-vous
souffrir la pensée qu’à l’heure où je parle, cette noble et douce dame, ses
beaux cheveux épars sur ses épaules, pleure des larmes de sang à la pensée de
vous avoir perdu !
    Les « beaux cheveux
épars » emportèrent la partie, je gage. Car je le vis comme un fol se ruer
dans sa chambre, en revenir avec son pourpoint qu’il enfila à la diable, et
dévaler l’escalier, sa fraise à la main.
    — Sanguienne !
m’écriai-je. Où courez-vous si vite ? Attendez-moi ! Je vous
suis !
    — Nenni, dit Fogacer en ouvrant
la porte de sa chambre et surgissant devant moi en sa vêture noire quelque peu
passée, et comme pour me barrer le passage, déployant ses deux bras plus longs
que pattes d’araignée. Nenni, mon cher Siorac ! Vous n’allez pas suivre
votre joli Samson sur le chemin où vous mîtes tant de fraternelle astuce à le
pousser. (Il avait donc tout ouï de sa chambre…) Vous avez en ce moment même
bien d’autres viandes à vous mettre sous la dent que celles après quoi vous
courez. Mon fils, point de fil, cet après-midi, dans le chas de l’aiguille. Et
quant à l’aiguille elle-même, dont vous avez, ce me semble, appétit si
strident, un ministre de votre culte souhaiterait qu’elle soit aut formosa
minus aut improba minus [39] .
     
    — Improba  ! dis-je en me rebéquant.
    — C’est votre ministre qui dirait
cela, et non point moi, qui n’étant pas si austère – il rit à ces mots à
gueule bec en arquant son sourcil diabolique – vous absous de tout péché
en la matière et in situ [40] . Souffrez cependant, Siorac, que je vous arrache incontinent à ces belles
aiguillées où cependant vous risquez de vous piquer le doigt ! (Il rit
encore), afin de vous mener vers une personne de sexe mâle, barbue, velue, le
nez camus, le front bossué, la stature courte, le ventre gros, les membres
brefs, point beau certes, mais qui de lui-même pourrait dire avec raison : Ingenio formae damna rependo meae [41] . En bref, un des
plus illustres médecins du royaume, et qui plus est, un des meilleurs.
    — Rondelet ! m’écriai-je,
au comble de la joie, et croyant à peine mes oreilles de l’honneur qui m’était
fait. Rondelet me demande !
    — Ipse [42] , dit Fogacer, la
senestre posée élégamment sur la hanche et, de son interminable bras droit,
faisant un ample geste. Gulielmus Rondeletius, venerandus doctor medicus et
medecinae professor regis et cancellarius in schola Monspeliensi [43] .
    — Mais n’est-il pas
huguenot ? D’où vient que je ne l’ai pas vu au culte ce matin ?
    — Il est fort travaillé, depuis
trois jours, d’un flux de ventre continuel et fétide symptômé d’un grand mal de
tête. Néanmoins, s’étant en ce midi quelque peu rebiscoulé, il voudrait jeter
les yeux sur vous avant son département pour Bordeaux.
    — Quoi ! m’écriai-je. Il
part ! À peine remis ? Pour ce long, harassant et périlleux
voyage ?
    — Certes, c’est folie !
Mais Rondelet est un homme d’une bonté infinie et ses deux beaux-frères le
requérant depuis trois mois de venir à Bordeaux arranger leurs affaires, il est
décidé à

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