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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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amitié.
Car aux caresses qu’il m’avait faites, je ne pouvais douter qu’il recherchât,
en sa faiblesse, ma protection au moment que d’entrer avec moi au collège de
médecine dont les Écoliers, en leur brutale turbulence, le prenaient de très
haut avec les nouveaux venus.
    Quant à la conversion de Luc à la
religion réformée, et bien au rebours de la gausserie de Fogacer qui n’y voyait
qu’« un manteau calviniste » adhérant aussi peu à la peau que le
« manteau papiste » de Maître Sanche, j’avais maintenant une complète
fiance en sa solidité. Et à vrai dire, plus je vécus à Montpellier, plus je
découvris qu’en cette matière, l’âge y faisait beaucoup, les pères restant
ancrés tant par la peur et la routinière habitude dans les traditions papistes,
alors que les fils, attirés par l’audace de la Réforme, la trouvaient davantage
accordée à l’esprit du merveilleux renouveau des arts que le siècle avait
apporté.
    Je trouvai mon Samson sans son
pourpoint, ses belles boucles de cuivre tout emmêlées, son œil azuréen tout
brumeux et rêveux. Il était assis sur une escabelle, tant beau et vigoureux en
sa virile symétrie, mais l’air morne et chagrin, et sa face plus plissée de
soucis que pomme en hiver.
    — Eh bien, dis-je, monsieur mon
frère, que faites-vous là, dévêtu ? Avez-vous oublié votre rendez-vous
avec Dame Gertrude du Luc ?
    — Nenni, dit-il. Je n’y vais
point. Toute femme est piperie et perdition de l’âme. Je serais mauvais
marchand si je troquais mon salut éternel contre des joies si brèves.
    Je fus, comme bien vous pensez, fort
dépit et fâché de ces sottes paroles, mais m’avisant que pendant notre culte au
temple, Samson s’était fortifié dans sa résolution et contre mes assauts, je me
gardai de laisser éclater mon courroux, et l’envisageant d’un air tranquille,
je dis tout uniment :
    — Fort bien. N’y allez pas,
puisque vous l’avez ainsi décidé.
    Et le quittant, je me retirai dans
ma chambre, dans laquelle, comme j’y comptais bien, il ne tarda pas à me venir
rejoindre. À son entrée, je me testonnai le cheveu devant un bout de miroir, et
je ne me retournai point.
    — Eh quoi ! dit-il après
un assez long silence, vous ne me querellez point ?
    Je l’aurais embrassé, je gage, tant
me toucha une fois encore sa colombine simplicité.
    — Vous quereller ? dis-je
par-dessus mon épaule. Et pourquoi ?
    — Tombez-vous d’accord avec
moi ?
    — Oui-da ! Et de tout
cœur ! Dame Gertrude du Luc offre à l’œil une angélique face, tant belle
et claire que Satan même n’oserait la navrer. Sa voix, ses yeux, ses cheveux,
sa charnure, tout est suave. Et il y a plus de bonté dans son petit doigt que
dans le plus long sermon d’un papiste. Bref, c’est une fleur de femme. Je vous
approuve donc de lui arracher les pétales une à une, de la jeter à terre et de
la piétiner.
    — Vous raillez ! dit-il
d’une voix étranglée par le nœud de sa gorge. Vous raillez ! Et cependant
que vous raillez, il y va de mon salut !
    — Ha ! dis-je en
l’observant dans le miroir, pâle et défait, votre salut ! Il s’agit donc
de vous ! La grande amour que vous avez de vos intérêts passe avant le
pâtiment de votre dame !
    Il perdit à cela toute contenance et
se mit à tourner sans but dans la chambre, en poussant des soupirs.
    — Ha ! dit-il, je vois
bien que vous ne m’approuvez point.
    — Sanguienne ! Vous
errez ! Je suis de cœur avec vous dans cette grande meurtrerie ! Vous
avez usé d’elle à loisir, et maintenant, vous l’étranglez ! Tuez,
Tudieu ! Tuez !
    — Que feriez-vous à ma
place ?
    — Suis-je un bourreau, pour me
mettre à votre place ?
    — Raisonnez-moi.
    — Raisonnerais-je un
mulet ?
    — Ha, mon frère ! dit-il
en se rebiquant à la fin avec une impatience où je ne l’avais jamais vu, ne
gaussez point ! Je ne suis ni un bourreau ni un mulet, mais un chrétien
qui pense à son salut…
    — J’y pense aussi. Mais je
n’aurais pas, quant à moi, la sotte outrecuidance d’anticiper sur la condamnation
de mon souverain juge.
    À cela, l’observant dans le miroir,
je le vis comme cloué sur place par la doutance et la perplexité.
    — Mais, dit-il faiblement, la
loi le dit : l’enfer est promis à la fornication.
    — Le Seigneur est au-dessus de
la loi, puisqu’il l’a faite.
    — Mais, mon Pierre, peut-on
écarter la pensée du

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