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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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cela,
Moussu ? dit-il, soulevé à demi de son escabelle et ses petits yeux noirs
tout écarquillés.
    — Assurément.
    — C’est donc à réfléchir,
dit-il en se rasseyant.
     

CHAPITRE VII
    — Ha, moussu, me dit une semaine
plus tard Espoumel en sa geôle, mon honneur ne m’eût jamais pardonné d’avoir
baillé au Capitaine Cossolat le gîte de Le Dentu, si ce dernier, trois jours
avant, n’avait tenté de m’occire.
    — T’occire, toi ? Et
pourquoi ?
    — Pour me larronner.
    Et Espoumel de m’expliquer qu’il
tenait alors serrée en sa ceinture une petite fortune de quarante sols qu’il
avait mal, mais non sans mal, acquise en volant et revendant une flassada  –
nom qu’on donne en Montpellier à une bonne couverture de laine.
    — Le Dentu, poursuivit-il, ne
lance pas, comme moi, le cotel. Il le baille à bout de bras. Et un matin, à la
pique du jour, alors que je dormais accoté à un arc-boutant de l’église
Saint-Firmin, je le vis, dans le trouble de l’aube, tirer vers moi à
croupetons, sa lame à la main.
    — Compain ! criai-je, où
vas-tu ?
    — Rien que pisser, dit-il en se
redressant.
    — Compain qui se lève tôt pisse
où il veut. Tire, compain, tire ! La place est large et je suis
chatouilleux en mon sommeil.
    Après m’avoir fait ce récit,
Espoumel m’envisagea de ses petits yeux noirs, tant naïfs que niais, et me dit
en hochant la tête, donnant ainsi grand poids à ses paroles :
    — Mon noble moussu, oyez bien
ceci que je vais dire : Le Dentu, c’était un homme sans beaucoup de
conscience.
    — Eh, je le crois !
dis-je.
    Mais, pour reprendre ce récit :
Le Dentu attendait à la Taverne de la Croix-d’Or la bonne nouvelle de
mon assassinat et devant un pot souriait de ses grandes dents aux délices qu’il
s’en promettait quand, au lieu d’Espoumel, ce fut Cossolat qui surgit.
    La bête, surprise au gîte, voulut se
défendre bec et ongles, et mal lui en prit, car Cossolat, fort dépit qu’on lui
tînt tête, d’un coup d’épée lui ouvrit la tête jusqu’à la mâchoire.
    Cet exploit de bouche à oreille
grossi, on en vint à dire à Montpellier que Cossolat avait fendu le gueux
jusqu’aux génitales. La légende est belle, mais j’atteste toutefois qu’elle est
fausse. Fogacer s’étant fait remettre le corps pour le théâtre anatomique avant
qu’il fût par le bourreau démembré, j’eus tout le loisir de l’examiner et
j’affirme que le crâne seul fut coupé en deux.
    Je ne fus point marri, en tout cas,
de ce dénouement, n’ayant pas avantage à paraître au procès de ce gueux, et
Cossolat désirant moins encore qu’Espoumel y figurât, le voulant garder à
l’ombre, j’entends serré au secret dans la prison de la ville, au moins tout le
temps qu’il faudrait pour tirer de lui le nom des lieux où les caïmans des
Corbières avaient leurs caches et leurs repaires.
    Ce qui se fit, non pas par la
question, mais par la persuasion, Cossolat promettant à notre homme, au nom de
M. de Joyeuse, la grâce du Roi. Et moi, m’étant pris d’une sorte d’affection
pour cet honnête coquin à qui je devais la vie comme il me devait la sienne, je
le visitais deux fois par semaine en sa geôle, lui apportant viandes et
vin : visites dont il sortit pour moi, par ailleurs, un avantage assez
considérable, comme je dirai plus loin.
    M. de Joyeuse eut tout lieu d’être
satisfait de nos services, car cousant ensemble ce qu’Espoumel avait dit au
Capitaine des archers et ce qu’à moi-même il avait confié, il en sut
suffisamment sur les refuges et les itinéraires des caïmans dans les Corbières
pour monter contre eux une expédition qui les anéantit, assurant ainsi, au
moins pour un temps, la sécurité sur le chemin de Carcassonne à Narbonne, et
redonnant paix et prospérité à sa baronnie d’Arques.
    On n’était pas parvenu encore à ce
beau résultat quand Caudebec et ses Roumieux, bien refaits et remplis après six
jours de franche ripaille, se résignèrent à quitter les Trois-Rois pour
la Cité du Pape, non sans que Cossolat n’eût à arbitrer, entre l’alberguière et
le baron, lequel, comme je l’avais observé à chaque étape, n’ouvrait pas
volontiers son escarcelle, étant plus chiche et pleure-pain qu’aucun Normand de
Normandie.
    Je consentis à servir de truchement
dans cette âpre dispute, et elle fut longue et difficile, les balances de
l’équité étant quelque peu faussées, Cossolat aimant

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