Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
bonne humeur en remettant moi-même mon épée au
fourreau. L’assassin que voilà est un ami. Il se nomme Espoumel.
    À quoi Miroul écarquilla ses yeux
vairons. Mais je ne lui laissai pas le temps de s’étonner plus outre. Prenant
par le bras mon caïman des Corbières, je le fis entrer pour le rafraîchir dans
la cuisine de l’Aiguillerie où Azaïs lui bailla, ainsi qu’à Miroul et moi-même,
un grand gobelet de vin, avant que d’aller, sur ma demande, quérir la
Thomassine, que je voulais présente à notre entretien. Et bien m’en prit :
car sans elle, je n’eusse pu rien éclaircir.
    Espoumel, qui était fort barbu, et
long et maigre comme un vendredi saint, n’avait de bouche et d’attention que
pour son vin, qu’il buvait à petits coups, sans autrement s’étonner que sa
victime le régalât. Mais pour moi, tout soucieux que je fusse de cette étrange
aventure, quand Azaïs quitta la cuisine, je la suivis de l’œil, aimant fort la
guise dont elle se tortillait, mince comme serpent, brune, vive et frisquette,
sans de très gros appas, mais ceux-là toujours dans le branle, et par là
promettant beaucoup. Toutefois, me ramentevant l’auberge des Deux-Anges à
Thoulouse et mes difficultés à propos de Franchou avec l’alberguière, je ne
doutais pas que j’aurais les mêmes avec la Thomassine, si mes mains sur sa
chambrière prenaient le relais de mes yeux. Observant aussi que le regard
bleu-marron de Miroul avait suivi la même direction que le mien, et se fixait
non sans un certain air de friandise et d’appétit sur la porte par où Azaïs
devait revenir, je décidai qu’il serait mal séant au maître de disputer la
portion du valet. Et que mieux valait la poule d’aujourd’hui que l’œuf de
demain, et qu’à vouloir les deux on risquait de tout perdre. Sur quoi, je
décidai incontinent de tordre le cou à ce gentil petit poussin du désir avant
que le petit coquefredouille ait eu le temps de mettre ses plumes.
    Azaïs revint, éclipsée tout soudain,
quand sa belle maîtresse apparut, ses cheveux luxuriants épars sur ses épaules,
rose encore de sa sieste, et son corps de cotte délacé laissant voir plus qu’à
demi son beau tétin. Je lui contai ce qui s’était passé, récit qui la rembrunit
fort à ce que j’observai, et me tournant vers Espoumel, je lui dis :
    — Espoumel, puisque te voilà
maintenant rafraîchi, veux-tu me dire qui t’a commandé de m’occire et
pourquoi ?
    — Le pourquoi, dit Espoumel, se
torchant la bouche du revers de sa main, je ne le sais. Mais le gojat qui me
l’a commandé, bien le connais. Car le lendemain du jour où vous m’avez pris,
Moussu, je m’enfuis avec lui des Corbières, craignant tous deux l’ire de notre
capitaine que nous avions quelque peu larronné.
    — Tiens donc ! Les loups
entre eux ! Et que faites-vous en Montpellier, bons enfants que vous
êtes !
    — Mon compain y connaît une
certaine bagasse dont il cuidait avoir quelques subsides. Mais la bagasse le
repoussa de sa porte et sans un seul sol vaillant, mon compain, vendredi passé,
occit un colporteur qui sortait des portes et le détroussa.
    — C’est vilainie.
    — Grande et peccamineuse, dit
Espoumel en hochant la tête sur son vin. Et d’autant, ajouta-t-il, que bien
petite et bien vite bue fut sa bourse. C’est pitié de tuer pour si peu.
    — Mon escarcelle d’écolier
n’était pas grasse non plus ! Pourquoi moi à mon tour, Espoumel ?
    — Moussu, je ne sais, sauf que
mon compain me jura que de votre suppression sortirait pour nous deux un grand
bien.
    — Quel bien ?
    — Sur mon salut, je l’ignore,
dit Espoumel en mettant ses deux mains à plat sur la table et en espinchant le
flacon de vin de ses petits yeux noirs.
    Et de lui, je n’eusse plus rien
tiré, si la Thomassine n’était entrée en lice, le heaume baissé et la lance
droite.
    — Espoumel, le nom de ton
compain ?
    — Dòna, le dire ne peux.
    — Mais que si, Espoumel, tu le
peux. Désires-tu encore de ce vin ?
    — Dòna, pour vous servir.
    — Pour te servir, toi,
Espoumel.
    Et ce disant, elle emplit de son vin
un grand gobelet, mais le garda par-devers elle.
    — Le nom, Espoumel ?
    — Dòna, le dire ne peux.
    — Espoumel, as-tu faim ?
    — Faim, Dòna ? Je le crois
que j’ai faim ! Je mangerais le gobelet après y avoir bu, si du moins vous
me le baillez.
    — Je te le baillerai,
comptes-y, et aussi un beau chapon, rôti d’hier, que j’ai

Weitere Kostenlose Bücher