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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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seul port où je pouvais trouver un abri, vers l'Eglise.
    Jadis, je la méprisais, parce que j'avais un pal qui me soutenait lorsque soufflaient les grands vents d'ennui ; je croyais à mes romans, je travaillais à mes livres d'histoire, j'avais l'art. J'ai fini par reconnaître sa parfaite insuffisance, son inaptitude résolue à rendre heureux. Alors j'ai compris que le pessimisme était tout au plus bon à réconforter les gens qui n'avaient pas un réel besoin d'être consolés ; j'ai compris que ses théories, alléchantes quand on est jeune et riche et bien portant, deviennent singulièrement débiles et lamentablement fausses, quand l'âge s'avance, quand les infirmités s'annoncent, quand tout s'écroule !
    Je suis allé à l'hôpital des âmes, à l'Eglise. On vous y reçoit au moins, on vous y couche, on vous y soigne ; on ne se borne pas à vous dire, en vous tournant le dos, ainsi que dans la clinique du Pessimisme, le nom du mal dont on souffre !
    Enfin Durtal avait été ramené à la religion par l'art. Plus que son dégoût de la vie même, l'art avait été l'irrésistible aimant qui l'avait attiré vers Dieu.
    Le jour où, par curiosité, pour tuer le temps, il était entré dans une église et, après tant d'années d'oubli, y avait écouté les vêpres des morts tomber lourdement, une à une, tandis que les chantres alternaient et jetaient l'un après l'autre, comme des fossoyeurs, des pelletées de versets, il avait eu l'âme remuée jusque dans ses combles. Les soirs où il avait entendu les admirables chants de l'octave des trépassés, à Saint-Sulpice, il s'était senti pour jamais capté ; mais ce qui l'avait pressuré, ce qui l'avait asservi mieux encore, c'étaient les cérémonies, les chants de la semaine sainte.
    Il les avait visitées les églises, pendant cette semaine ! Elles s'ouvraient ainsi que des palais dévastés, ainsi que des cimetières ravagés de Dieu. Elles étaient sinistres avec leurs images voilées, leurs crucifix enveloppés d'un losange violet, leurs orgues taciturnes, leurs cloches muettes. La foule s'écoulait, affairée, sans bruit, marchait par terre, sur l'immense croix que dessinent la grande allée et les deux bras du transept et, entrée par les plaies que figurent les portes, elle remontait jusqu'à l'autel, là où devait poser la tête ensanglantée du Christ et elle baisait avidement, à genoux, le crucifix qui barrait la place du menton, au bas des marches.
    Et cette foule devenait, elle-même, en se coulant dans ce moule crucial de l'église, une énorme croix vivante et grouillante, silencieuse et sombre.
    A Saint-Sulpice où tout le séminaire assemblé pleurait l'ignominie de la justice humaine et la mort décidée d'un Dieu, Durtal avait suivi les incomparables offices de ces jours luctueux, de ces minutes noires, écouté la douleur infinie de la Passion, si noblement, si profondément exprimée à ténèbres par les lentes psalmodies, par le chant des lamentations et des psaumes ; mais quand il y songeait, ce qui le faisait surtout frémir, c'était le souvenir de la Vierge arrivant le jeudi, dès que la nuit tombait.
    L'Eglise jusqu'alors absorbée dans son chagrin et couchée devant la croix se relevait et se mettait à sangloter, en voyant la Mère.
    Par toutes les voix de sa maîtrise, elle s'empressait autour de Marie, s'efforçait de la consoler, en mêlant les larmes du Stabat aux siennes, en gémissant cette musique de plaintes endolories, en pressant sur la blessure de cette prose qui rendait de l'eau et du sang comme la plaie du Christ.
    Durtal sortait, accablé, de ces longues séances, mais ses tentations contre la foi se dissipaient ; il ne doutait plus ; il lui semblait qu'à Saint-Sulpice, la grâce se mêlait aux éloquentes splendeurs des liturgies et que des appels passaient pour lui dans l'obscure affliction des voix ; aussi éprouvait-il une reconnaissance toute filiale pour cette église où il avait vécu de si douces et de si dolentes heures !
    Et cependant, dans les semaines ordinaires, il ne la fréquentait point ; elle lui paraissait trop grande et trop froide et elle était si laide ! Il lui préférait des sanctuaires plus tièdes et plus petits, des sanctuaires où subsistaient encore des traces du Moyen Age.
    Alors, il se réfugiait, les jours de flâne, en sortant du Louvre où il s'était longuement évagué devant les toiles des primitifs, dans la vieille église de Saint-Séverin, enfouie en un

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