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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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et de la faire revivre dans une oeuvre.
    Cela est si exact que voici Gustave Flaubert qui a écrit d'admirables pages sur la légende de Saint Julien L'Hospitalier. Elles marchent en un tumulte éblouissant et réglé, évoluent en une langue superbe dont l'apparente simplicité n'est due qu'à l'astuce compliquée d'un art inouï. Tout y est, tout, sauf l'accent qui eût fait de cette nouvelle un vrai chef-d'oeuvre. étant donné le sujet, il y manque, en effet, la flamme qui devrait circuler sous ces magnifiques phrases ; il y manque le cri de l'amour qui défaille, le don de l'exil surhumain, l'âme mystique !
    D' un autre côté, les Physionomies de Saints d'Hello valent qu'on les lise. La foi jaillit dans chacun de ses portraits, l'enthousiasme déborde des chapitres, des rapprochements inattendus creusent d'inépuisables citernes de réflexions entre les lignes ; mais quoi ! Hello était si peu artiste que d'adorables légendes déteignent dans ses doigts quand il y touche ; la lésine de son style appauvrit les miracles et les rend inermes. Il y manque l'art qui sortirait ce livre de la catégorie des oeuvres blafardes, des oeuvres mortes !
    L'exemple de ces deux hommes, opposés comme jamais écrivains ne le furent, et n'ayant pu atteindre la perfection, l'un, dans la légende de Saint Julien, parce que la foi lui faisait défaut et l'autre parce qu'il possédait une inextensible indigence d'art, décourageait complètement Durtal. Il faudrait être en même temps les deux, et rester encore soi, se disait-il, sinon à quoi bon s'atteler à de telles tâches ? Mieux vaut se taire ; et il se renfrognait, désespéré, dans son fauteuil.
    Alors le mépris de cette existence déserte qu'il menait s'accélérait en lui et, une fois de plus, il se demandait l'intérêt que la Providence pouvait bien avoir à torturer ainsi les descendants de ses premiers convicts ? Et s'il n'obtenait pas de réponse, il était pourtant bien obligé de se dire qu'au moins l'Eglise recueillait, dans ces désastres, les épaves, qu'elle abritait les naufragés, les rapatriait, leur assurait enfin un gîte.
    Pas plus que Schopenhauer dont il avait autrefois raffolé, mais dont la spécialité d'inventaires avant décès et les herbiers de plaintes sèches l'avaient lassé, l'Eglise ne décevait l'homme et ne cherchait à le leurrer, en lui vantant la clémence d'une vie qu'elle savait ignoble.
    Par tous ses livres inspirés, elle clamait l'horreur de la destinée, pleurait la tâche imposée de vivre. L'ecclésiastique, l'ecclésiaste, le livre de Job, les Lamentations de Jérémie attestaient cette douleur à chaque ligne et le Moyen Age avait, lui aussi, dans l'Imitation de Jésus-Christ, maudit l'existence et appelé à grands cris la mort.
    Plus nettement que Schopenhauer, l'Eglise déclarait qu'il n'y avait rien à souhaiter ici-bas, rien à attendre ; mais là où s'arrêtaient les procès-verbaux du philosophe, elle, continuait, franchissait les limites des sens, divulguait le but, précisait les fins.
    Puis, se disait-il, tout bien considéré, l'argument de Schopenhauer tant prôné contre le Créateur et tiré de la misère et de l'injustice du monde, n'est pas, quand on y réfléchit, irrésistible, car le monde n'est pas ce que Dieu l'a fait, mais bien ce que l'homme en a fait.
    Avant d'accuser le ciel de nos maux, il conviendrait sans doute de rechercher par quelles phases consenties, par quelles chutes voulues, la créature a passé, avant que d'aboutir au sinistre gâchis qu'elle déplore. Il faudrait maudire les vices de ses ancêtres et ses propres passions qui engendrèrent la plupart des maladies dont on souffre ; il faudrait se dire que si Dieu nous infligea l'excrément, l'homme y a par ses excès ajouté le pus ; il faudrait vomir la civilisation qui a rendu l'existence intolérable aux âmes propres et non le Seigneur qui ne nous a peut-être pas créés, pour être pilés à coups de canons, en temps de guerre, pour être exploités, volés, dévalisés, en temps de paix, par les négriers du commerce et les brigands des banques.
    Ce qui reste incompréhensible, par exemple, c'est l'horreur initiale, l'horreur imposée à chacun de nous, de vivre ; mais c'est là un mystère qu'aucune philosophie n'explique.
    Ah ! reprenait-il, quand je songe à cette horreur, à ce dégoût de l'existence qui s'est, d'années en années, exaspéré en moi, comme je comprends que j'aie forcément cinglé vers le

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