En Route
au vrai repentir…
- Soyez tranquille, fit l'abbé qui se rassit, vous l'avez…
Et voyant que Durtal hochait la tête.
- Rappelez-vous ce que dit sainte Térèse : "une peine des commençants, c'est de ne pouvoir reconnaître s'ils ont un vrai repentir de leurs fautes ; ils l'ont pourtant et la preuve en est de leur résolution si sincère de servir Dieu." méditez cette phrase, elle s'applique à vous, car cette répulsion de vos péchés qui vous excède témoigne de vos regrets et vous avez le désir de servir le Seigneur, puisque vous vous débattez, en somme, pour aller à lui.
Il y eut un instant de silence.
- Enfin, Monsieur L'Abbé, que me conseillez-vous ?
- Je vous recommande de prier chez vous, à l'église, le plus que vous pourrez, partout. Je ne vous prescris aucun remède religieux, je vous invite tout bonnement à mettre à profit quelques préceptes d'hygiène pieuse ; nous verrons après.
Durtal restait indécis, mécontent de même que ces malades qui en veulent aux médecins lorsque, pour les contenter, ceux-ci ne leur ordonnent que de pâles drogues.
Le prêtre se mit à rire.
- Avouez, fit-il, en le regardant bien en face, avouez que vous vous dites : ce n'était pas la peine de me déranger, car je ne suis pas plus avancé qu'avant ; ce brave homme de prêtre pratique la médecine expectante ; au lieu de me couper par des médicaments énergiques mes crises, il me lanterne, me recommande de me coucher de bonne heure, de ne pas attraper froid…
- Oh ! Monsieur l'abbé, protesta Durtal.
- Je ne veux cependant pas vous traiter comme un enfant ou vous parler comme à une femme ; entendez-moi donc.
La façon dont s'est opérée votre conversion ne peut me laisser aucun doute. Il y a eu ce que la mystique appelle un attouchement divin ; seulement - et ceci est à remarquer - Dieu s'est passé de l'intervention humaine, de l'entremise même d'un prêtre, pour vous ramener dans une voie que vous aviez depuis plus de vingt ans quittée.
Or, nous ne pouvons raisonnablement supposer que le Seigneur ait agi à la légère et qu'il veuille laisser maintenant inachevée son oeuvre. Il la parfera donc, si vous n'y mettez aucun obstacle.
En somme vous êtes, à l'heure actuelle, ainsi qu'une pierre d'attente entre ses mains ; qu'en fera-t-il ? Je l'ignore, mais puisqu'il s'est réservé la conduite de votre âme, laissez-le agir ; patientez, il s'expliquera ; ayez confiance, il vous aidera ; contentez-vous de proférer avec le Psalmiste : Doce me facere voluntatem tuam, quia Deus meus es tu.
Je vous le répète, je crois à la vertu préventive, à la puissance formelle des sacrements. Je comprends très bien le système du père Milleriot qui forçait à communier des gens qu'il appréhendait de voir retomber dans leurs péchés, après. Pour toute pénitence, il les obligeait à recommunier encore et il finissait par les épurer avec les saintes espèces prises à de hautes doses. C'est une doctrine tout à la fois réaliste et surélevée…
Mais, rassurez-vous, reprit l'abbé, en regardant Durtal qui paraissait gêné, mon intention n'est pas d'expérimenter sur vous cette méthode ; au contraire, mon avis est que, dans l'état d'ignorance où nous sommes des volontés de Dieu, vous vous absteniez des Sacrements.
Car il faut que vous les désiriez, il faut que cela vienne de vous ou plutôt de lui ; cette soif de la pénitence, cette faim de l'eucharistie, vous l'aurez, dans un temps plus ou moins rapproché, soyez-en sûr. Eh bien ! Quand, n'y tenant plus, vous réclamerez le pardon et supplierez qu'on vous laisse approcher de la Sainte Table, alors nous verrons, nous lui demanderons de quelle manière il conviendra de s'y prendre pour vous sauver.
- Mais, il n'y a pas, je présume, plusieurs manières de se confesser et de communier…
- Evidemment, - aussi n'est-ce point cela que je veux dire ; non… mais…
Et le prêtre hésita, chercha ses mots.
- Il est bien certain, reprit-il, que l'art a été le principal véhicule dont le Sauveur s'est servi pour vous faire absorber la Foi. Il vous a pris par votre côté faible… ou fort, si vous aimez mieux. Il vous a imprégné de chefs-d'oeuvre mystiques ; il vous a persuadé et converti, moins par la voie de la raison que par la voie des sens ; et dame, ce sont là des conditions très spéciales dont il importe de tenir compte.
D'autre part, vous n'avez point une âme humble, une âme simple ; vous êtes une
Weitere Kostenlose Bücher