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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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sans même se souvenir de la route qu'il avait prise et, une fois dans sa chambre, il eut une distension et un éclat d'âme. Il avait envie de remercier, de demander miséricorde, d'appeler, il ne savait qui, de quérir il ne savait quoi. Et soudain ce besoin de s'épancher, de sortir de lui-même, se précisa et il tomba à genoux, disant à la Vierge :
    - Ayez pitié, écoutez-moi ; j'aime mieux tout plutôt que de rester ainsi, que de continuer cette existence ballottée et sans but, ces étapes vaines ! Pardonnez, Sainte Vierge, au salaud que je suis, car je n'ai aucun courage pour commencer les hostilités, pour me combattre ! Ah ! Si vous vouliez ! Je sais bien que c'est fort d'oser vous supplier, alors que l'on n'est même pas résolu à retourner son âme, à la vider comme un seau d'ordures, à taper sur son fond, pour en faire couler la lie, pour en détacher le tartre, mais… mais… que voulez-vous, je me sens si débile, si peu sûr de moi, qu'en vérité, je recule !
    Oh ! tout de même ce que je voudrais m'en aller, être hors d'ici, à mille lieues de Paris, je ne sais où, dans un cloître ! Mon Dieu ! C'est fou ce que je vous raconte, car je ne resterais pas deux jours dans un couvent et l'on ne m'y recevrait pas d'ailleurs !
    Et il se fit cette réflexion.
    Pour une fois que je suis moins sec, moins malpropre que de coutume, je ne trouve à dire à la Vierge que des insanités et des niaiseries, alors qu'il serait si simple de solliciter son pardon, de l'implorer pour qu'elle ait pitié de ma vie déserte, pour qu'elle m'aide à résister aux sommations de mes vices, à ne plus payer, ainsi que je le fais, les redevances des nerfs, l'impôt des sens !
    C'est égal, reprit-il, en se relevant, en voilà assez. Je ferai au moins le peu que je puis ; sans plus tarder, j'irai chez l'abbé, demain, je lui expliquerai mes litiges d'âme et nous verrons bien après !
    q

Chapitre 5
    I l éprouva un véritable soulagement lorsque la bonne lui répondit : Monsieur L'Abbé est chez lui. Il entra dans un petit salon et attendit que le prêtre, qu'il entendait converser avec une personne dans une autre chambre, fût seul.
    Il regardait cette petite pièce et constatait que rien n'était changé depuis sa dernière visite. Elle restait meublée d'un divan de velours dont le rouge jadis incarnat était devenu de ce rose fané qu'a la confiture de framboise bue par du pain. Il y avait, en outre, deux fauteuils Voltaire, placés de chaque côté d'une cheminée que paraient une pendule Empire et des vases de porcelaine remplis de sable dans lequel s'enfonçaient des tiges de roseaux secs. En un coin, contre le mur, sous un ancien crucifix de bois, on apercevait un prie-Dieu où la place des genoux était marquée ; une table ovale, au milieu ; quelques gravures pieuses le long des murs ; et c'était tout.
    Ca sent l'hôtel et le logis de la vieille fille, se dit Durtal. La vulgarité des meubles, des rideaux en damas déteint, des cloisons tapissées d'un papier de tenture, semé de bouquets de pavots, et de fleurs des champs aux teintes inexactes, rappelait, en effet, les chambres garnies au mois, mais certains détails, d'abord la méticuleuse propreté de la pièce, les coussins de tapisserie posés sur le divan, les ronds de sparterie sous les chaises, un hortensia semblable à un chou-fleur peint, placé dans un cache-pot couvert d'une dentelle, évoquaient, d'autre part, l'intérieur futile et glacé d'une dévote.
    Il n'y manquait alors qu'une cage à serins, des photographies dans des cadres de peluche, des coquillages et des pelotes.
    Durtal en était là de ses réflexions quand l'abbé survint, lui tendit la main, tout en lui reprochant doucement son abandon.
    Durtal s'excusa de son mieux, prétexta des occupations inaccoutumées, de longs ennuis.
    - Et notre bienheureuse Lydwine, qu'en faites-vous ?
    - Ah ! Je n'ai même pas commencé sa vie ; je ne suis vraiment point dans un état d'âme qui me permette de l'aborder.
    L'accent découragé de Durtal surprit le prêtre.
    - Voyons, qu'est-ce qu'il y a ? puis-je vous être utile ?
    - Je ne sais, Monsieur L'Abbé ; j'ai un peu honte de vous entretenir de semblables misères ; et subitement, il se débonda, épandant, au hasard des mots, ses plaintes, avouant l'inconscience de sa conversion, ses débats avec sa chair, son respect humain, son éloignement des pratiques ecclésiales, son aversion pour tous les rites exigés, pour tous

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