En Route
inébloui, dans ces coups de lumière qui l'environnent.
Il semble que, dans ses "Hiérarchies Célestes" où il fait défiler les armées du ciel et démontre le sens des attributs angéliques et des symboles, il ait déjà dépassé la frontière où s'arrête l'homme et pourtant, dans son opuscule des "Noms divins," il hasarde un pas de plus en avant et alors il s'élève dans la superessence d'une métaphysique tout à la fois calme et hagarde !
Il surchauffe le verbe humain à le faire éclater, mais lorsque à bout d'efforts il veut définir l'infigurable, préciser les immiscibles personnes de la Trinité qui se pluralise et ne sort point de son unité, les mots défaillent sur ses lèvres et la langue se paralyse sous sa plume ; alors, tranquillement, sans s'étonner, il se refait enfant, redescend de ses sommets parmi nous et, pour tâcher de nous élucider ce qu'il comprit, il recourt aux comparaisons de la vie intime ; il en vient, afin d'expliquer cette triade unique, à citer plusieurs flambeaux allumés dans une même salle et dont les lueurs, bien que distinctes, se fondent en une seule, ne sont plus qu'une.
Saint Denys, rêvassait Durtal, il est un des plus hardis explorateurs de ces régions éternelles… oui, mais quelle lecture aride il me fournirait à la Trappe !
Ruysbroeck ? reprit-il, peut-être et encore cela dépend ; je puis serrer dans ma trousse, ainsi qu'un cordial, le petit recueil qu'à distillé Hello ; quant aux Noces spirituelles, si bien traduites par Maeterlinck, elles sont décousues et sans clarté ; l'on y étouffe ; ce Ruysbroeck-là m'emballe moins. Il est curieux tout de même, cet ermite, car il ne s'enferme pas au-dedans de nous, mais il parcourt plutôt les dehors ; il s'efforce, comme saint Denys, d'atteindre Dieu, plus dans le ciel que dans l'âme ; mais à vouloir voler si haut, il se fausse les ailes et balbutie on ne sait quoi, quand il descend.
Laissons-le donc. Voyons maintenant. -sainte Catherine de Gênes ? Ses débats entre l'âme, le corps et l'amour-propre sont anodins et confus, et lorsque, dans ses Dialogues, elle traite des opérations de la vie interne, elle est si au-dessous de sainte Térèse et de sainte Angèle ! En revanche, son Traité du purgatoire est décisif. Il avère que, seule, elle a pénétré dans les espaces des douleurs inconnues et qu'elle en a dégagé et saisi les joies ; elle parvient, en effet, à accorder ces deux contraires qui paraissent à jamais inalliables ; la souffrance de l'âme se purifiant de ses péchés et l'allégresse de cette même âme qui, au moment où elle endure d'affreuses peines, éprouve un immense bonheur, car elle se rapproche petit à petit de Dieu et elle sent ses rayons l'attirer de plus en plus et son amour l'inonder avec de tels excès qu'il semble que le Sauveur ne veuille plus que s'occuper d'elle.
Sainte Catherine expose aussi que Jésus n'interdit le ciel à personne, que c'est l'âme même qui, s'estimant indigne d'y pénétrer, se précipite, de son propre mouvement, dans le purgatoire, pour s'y modifier, car elle n'a plus qu'un but, se rétablir dans sa pureté primitive ; qu'un désir, atteindre à ses fins dernières, en s'anéantissant, en s'annihilant, en s'écoulant en Dieu.
C'est une lecture probante, grogna Durtal, mais ce n'est pas celle-là qui me referait à la Trappe, passons.
Et il atteignit d'autres livres dans ses casiers.
En voici un, par exemple, dont l'usage est tout indiqué, poursuivit-il, en prenant la Théologie séraphique de saint Bonaventure, car il condense en une sorte d'of meat des modes d'études pour se scruter, pour méditer sur la communion, pour sonder la mort ; puis il y a, dans ce selectae, un traité sur le "Mépris du monde," dont les phrases comprimées sont admirables ; c'est de la véritable essence de Saint-Esprit et c'est aussi une gelée d'onction vraiment ferme. Mettons-le à part, celui-là.
Je ne trouverai pas, pour remédier aux probables détresses des solitudes, de meilleur adjuvant, murmurait Durtal, tout en bousculant de nouvelles rangées de volumes. Il regardait des titres : La vie de la Sainte-Vierge, par M. Olier.
Il hésitait, se disant : il y a pourtant sous l'eau à peine dégourdie du style d'intéressantes observations, de savoureuses gloses ; M. Olier a, en quelque sorte, traversé les mystérieux territoires des desseins cachés et il y a relevé ces inimaginables vérités que parfois le Seigneur se plaît
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