Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
opposa un refus catégorique. « Quand vous reverrez le Grand Père, leur dit-il, expliquez-lui que Red Cloud n’est pas disposé à se rendre à Raw Hides Buttes. » Puis il s’en alla passer l’hiver dans la vallée de la Powder, certain que Donehogawa l’Iroquois arrangerait les choses.
Hélas, le pouvoir du commissaire Ely Parker déclinait. Ses ennemis resserraient leur étau autour de lui.
Grâce à l’inflexibilité de Red Cloud, une agence temporaire fut établie pour les Sioux à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Fort Laramie, au bord de la Platte. Mais moins de deux ans plus tard, les Indiens ne furent plus autorisés à s’y rendre. Donehogawa avait à l’époque quitté Washington. En 1873, l’agence sioux fut établie près des sources de la White River, dans le nord du Nebraska, bien à l’écart des pistes empruntées par les émigrants de plus en plus nombreux. On laissa Spotted Tail et ses Brûlés s’installer dans la même région. Un an plus tard, Camp Robinson fut ouvert, ce qui permettrait à l’armée de contrôler les agences de Red Cloud et de Spotted Tail pendant la période agitée qui allait suivre.
Ce fut quelques jours après la visite de Red Cloud à Washington en 1870 que les ennuis de Donehogawa commencèrent pour de bon. Ses réformes lui avaient valu de nombreux ennemis parmi les politiciens (le « cartel indien », comme on l’appelait) qui avaient depuis longtemps fait du Bureau des Affaires indiennes une succursale fort lucrative de leur système des dépouilles. Le fait qu’il ait déjoué les plans d’un groupe de frontiersmen blancs (la Big Horn Association) qui voulaient s’approprier les terres octroyées par traité aux Sioux lui attira également de nombreuses inimitiés dans l’Ouest.
(Les membres de la Big Horn Association, fondée à Cheyenne, croyaient en la « Destinée Manifeste » des États-Unis : « Les vallées du Wyoming, riches et généreuses, sont vouées à être occupées et entretenues par la race anglo-saxonne. Les richesses qui, depuis des lustres, reposent sous les sommets enneigés de nos montagnes y ont été placées par la Providence afin de récompenser les esprits courageux dont la vocation est d’être l’avant-garde de la civilisation. Les Indiens doivent se retirer, sinon ils seront submergés par une vague d’émigration qui ne cesse de progresser et d’augmenter. La destinée des indigènes est écrite d’une façon telle qu’elle est parfaitement claire. Le même Arbitre au dessein impénétrable qui décréta la chute de Rome a condamné à l’extinction les hommes rouges d’Amérique. »)
L’été 1870, un petit groupe d’ennemis de Donehogawa au Congrès tenta de l’embarrasser en retardant l’allocation de fonds pour l’achat de vivres destinées aux Indiens des réserves. Au milieu de l’été, son bureau commença à recevoir des télégrammes d’agents le suppliant de leur faire parvenir des provisions afin que les Indiens affamées ne soient pas contraints d’aller chasser en dehors des réserves. Certains agents craignaient une nouvelle éruption de violence si les vivres n’arrivaient pas rapidement.
Le commissaire répondit en achetant des provisions à crédit, sans prendre le temps de faire des appels d’offre. Puis il organisa leur transport rapide à des coûts légèrement supérieurs à ceux prévus dans les contrats. C’était la seule manière de s’assurer que les Indiens des réserves recevraient leurs rations à temps pour ne pas mourir de faim. Mais ce faisant, Donehogawa enfreignait quelques règles mineures, ce qui offrit à ses ennemis l’occasion qu’ils attendaient depuis longtemps.
La première attaque vint de William Welsh, un négociant qui faisait le missionnaire à temps partiel auprès des Indiens. Welsh, l’un des premiers commissaires membres du conseil de surveillance, avait dû démissionner peu après sa nomination, pour des raisons qui furent révélées en décembre 1870 dans une lettre qu’il fit paraître dans plusieurs journaux de Washington. Il y accusait le commissaire Parker d’« escroquerie et d’imprévoyance dans la gestion du Bureau des Affaires indiennes » et reprochait au président Grant d’avoir nommé un homme « qui était tout proche de la barbarie ». Welsh était persuadé que les Indiens avaient pris le sentier de la guerre parce qu’ils n’étaient pas chrétiens. Par conséquent, la solution qu’il
Weitere Kostenlose Bücher