Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
à passer malgré tout. Partout au Texas, ils ne virent que clôtures, ranchs et chasseurs de bisons, lesquels, avec leurs redoutables fusils à longue portée, massacraient des troupeaux déjà en diminution.
Au cours de la Lune-feuille-du-printemps, certains chefs kiowas et comanches se rendirent avec un groupe important de chasseurs jusqu’au bras nord de la Red River dans l’espoir de trouver des bisons sans avoir à quitter la réserve. Ils n’en virent qu’un petit nombre, la plupart des troupeaux étant partis au Texas. Le soir autour du feu, ils évoquèrent ces Blancs, surtout les Texans, qui voulaient écraser tous les Indiens. Le cheval de fer ne tarderait pas à traverser la prairie, et les bisons disparaîtraient tous. Alors Mamanti, Celui-qui-marche-dans-le-ciel, un grand homme-médecine, suggéra que le moment était peut-être venu d’aller écraser tous les Texans.
C’est ce qu’ils décidèrent. À la mi-mai, les préparatifs étaient terminés. Alors les guerriers, échappant aux patrouilles de Grierson, traversèrent la Red River qui marquait la frontière avec le Texas. Satanta, Satank, Big Tree et de nombreux autres chefs de guerre participaient à l’expédition, mais comme celle-ci était le fruit d’une vision de Mamanti, l’homme-médecine en devint le leader. Le 17 mai, ils arrivèrent sur une colline dominant la piste Butterfield (38) , entre Fort Richardson et Fort Belknap. Mamanti fit signe à ses compagnons de s’arrêter. Les Indiens attendirent là toute la nuit. Enfin, le lendemain, à midi, ils virent une ambulance de l’armée escortée par des cavaliers se diriger vers l’est. Certains voulurent charger, mais Mamanti refusa de donner le signal de l’attaque, les assurant qu’ils pourraient bientôt faire une prise beaucoup plus belle, peut-être un convoi de chariots remplis de fusils et de munitions. (Le passager de l’ambulance n’était autre que Grand-Guerrier Sherman, en tournée d’inspection des postes militaires du Sud-Ouest. Mais cela, les Indiens l’ignoraient.)
Ainsi que l’avait prédit Mamanti, un convoi de dix chariots apparut quelques heures plus tard. Au moment propice, le leader fit un signe à Satanta, lequel se tenait prêt, son clairon à la main. Il souffla dans l’instrument. Alors, tel un torrent, les guerriers dévalèrent la colline tous ensemble. Décidés à tenir leurs positions, les conducteurs des chariots formèrent un cercle. Mais ils furent dépassés par la puissance de l’attaque. Les Indiens enfoncèrent leurs défenses, tuèrent sept conducteurs et, tandis que les autres se réfugiaient dans un bosquet, se mirent à piller les chariots. Ils ne trouvèrent ni fusils, ni munitions, rien d’autre que du maïs. Ils prirent les mules et les chevaux, sur lesquels ils attachèrent leurs blessés, puis repartirent vers le nord.
Cinq jours plus tard, Grand-Guerrier Sherman arriva à Fort Sill et demanda à Crâne-Chauve Tatum, que lui présentait le général Grierson, si certains de ses Kiowas ou de ses Comanches n’avaient pas quitté la réserve la semaine précédente. Tatum promit de se renseigner.
Peu après, plusieurs chefs, dont Kicking Bird, Satank, Big Tree, Lone Wolf et Satanta, vinrent au fort retirer leurs rations hebdomadaires. Tatum les convoqua dans son bureau. Avec cette aimable solennité dont il ne se départait jamais, il leur demanda s’ils avaient entendu parler d’une attaque de convoi au Texas. Au cas où certains d’entre eux auraient quelque information à ce sujet, il serait ravi qu’ils lui en fassent part.
Passant outre le fait que Mamanti avait mené le raid, Satanta se leva immédiatement et déclara qu’il en était le leader. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour justifier sa décision. Était-ce par vanité ? Voulait-il se donner le premier rôle ou bien considérait-il qu’il était de son devoir de chef d’assumer la responsabilité pleine et entière de l’attaque ? Toujours est-il qu’il profita de l’occasion pour reprocher à Tatum la manière dont les Indiens étaient traités : « Je t’ai demandé à plusieurs reprises des armes et des munitions, que tu ne m’as pas fournies, et j’ai exprimé maintes autres requêtes dont aucune n’a été satisfaite. Tu n’écoutes pas ce que je dis. Les Blancs s’apprêtent à construire une voie de chemin de fer qui traversera nos terres, ce qui ne sera pas accepté. Il y a quelques années, on nous a tirés par
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