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Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890

Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890

Titel: Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dee Brown
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corriger ces dispositions barbares : tout d’abord, confisquer les mustangs des Utes afin que ceux-ci ne puissent plus se déplacer et chasser, remplacer les montures par quelques chevaux de trait pour les labours et le transport puis, dès que les Utes abandonneraient la chasse et resteraient près de l’agence, priver de rations ceux qui refuseraient de travailler. « Je réduirai chaque Indien qui ne veut pas travailler à la famine », écrivit l’agent au sénateur du Colorado, Henry M. Teller.
    La manie qu’avait Meeker de coucher par écrit la moindre de ses idées et de ses observations, puis de les faire imprimer, entraîna une rupture totale dans ses relations avec les Utes. Au printemps 1879, il rédigea un dialogue imaginaire entre lui et une femme ute pour tenter de montrer que les Indiens ne pouvaient pas comprendre les joies du travail ou la valeur des biens matériels. Il déclarait dans ce dialogue que les terres de la réserve appartenaient au gouvernement et qu’elles n’étaient que prêtées aux Indiens afin qu’ils les fassent fructifier. « Si vous ne les cultivez pas et refusez de travailler, écrivait-il, les Blancs viendront et peu à peu, il ne vous restera plus rien. »
    Ce petit opus fut publié dans le Greeley Tribune, un journal du Colorado, et lu par William B. Vickers, un rédacteur en chef et homme politique qui méprisait les Indiens, en particulier les Utes. À cet époque, il était le secrétaire de Frederick Pitkin, le riche prospecteur qui avait joué un rôle de premier plan en 1873 dans l’appropriation des San Juan Mountains, autrefois terres utes. Pitkin avait, grâce à son pouvoir, obtenu le poste de gouverneur du Colorado lorsque celui-ci était devenu un État en 1876. En 1877, après la fin des guerres sioux, Pitkin et Vickers commencèrent à faire bruyamment campagne pour obtenir que les Utes soient exilés dans le Territoire Indien, ce qui permettrait de libérer d’immenses terres de grande valeur qu’il n’y aurait plus alors qu’à récupérer. Pour Vickers, le texte de Meeker publié dans le Greeley Tribune était un argument en or plaidant pour le départ des Utes. Il écrivit un article à ce propos dans le Denver Tribune  :
    Les Utes sont des communistes avérés, et le gouvernement devrait avoir honte de les nourrir en son sein et de les conforter dans leur paresse et leur mépris gratuit de la propriété. Vivant aux crochets d’un Bureau des Affaires indiennes paternel mais imbécile, ils sont en réalité devenus trop paresseux pour venir retirer leurs rations régulièrement et préfèrent prendre ce qu’ils désirent là où ils le trouvent. S’ils étaient exilés dans le Territoire Indien, leur entretien coûterait au gouvernement moitié moins cher qu’aujourd’hui.
    L’honorable N. C. Meeker, le fameux directeur de l’agence White River, autrefois grand ami des Indiens, leur vouait une fervente admiration. Il est arrivé à l’agence persuadé de pouvoir faire des choses admirables avec eux à force de bienveillance et de patience et en leur montrant le bon exemple. Or, ses efforts s’étant soldés par un échec total, il a enfin reconnu le bien-fondé de ce truisme que nous connaissons bien sur la Frontière : les seuls bons Indiens sont les Indiens morts.
    L’article de Vickers ne s’arrêtait pas là, loin s’en faut. Il fut repris dans toute la presse du Colorado sous le titre « Dehors, les Utes ! » À la fin de l’été 1879, les orateurs blancs qui pullulaient dans cette région de la Frontière ne manquaient pas, chaque fois qu’ils étaient appelés à s’exprimer en public, de prononcer cette formule qui soulevait immanquablement des tonnerres d’applaudissements.
    Lorsqu’ils apprirent que « Nick » Meeker les avait trahis sur le papier, les Utes en conçurent d’autant plus de colère qu’il affirmait que la réserve ne leur appartenait pas. Ils protestèrent par le biais de l’interprète de l’agence. Meeker maintint sa position, ajoutant qu’il avait le droit de labourer où il voulait sur la réserve parce que celle-ci appartenait au gouvernement, dont lui-même était l’agent.
    Dans le même temps, William Vickers intensifiait sa campagne pour le départ des Utes en fabriquant des histoires de crimes et d’atrocités commises par les Indiens, qu’il alla jusqu’à rendre responsables des nombreux feux de forêt provoqués cette année-là par une sécheresse exceptionnelle.

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