Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
grandi avec les sentiments qui m’animent. (…) Le Grand Père m’a fait dire que tout ce qu’il me reprochait par le passé a été oublié et mis de côté, et qu’il n’aurait rien contre moi à l’avenir, et j’ai accepté ses promesses et suis venu ; alors il m’a demandé de ne pas m’écarter de la route de l’homme blanc, et je lui ai répondu que je n’en ferais rien et je fais de mon mieux pour rester sur ce chemin. Je trouve que mon pays a une bien mauvaise réputation, et je veux qu’il en ait une bonne, comme autrefois ; parfois, je me demande qui a contribué à lui donner cette mauvaise réputation. »
Sitting se mit alors à décrire les conditions de vie des Indiens. Ils n’avaient rien de ce que les Blancs possédaient. S’ils devaient devenir comme eux, alors il leur fallait des outils, du bétail et des chariots, « parce que c’est ainsi que les Blancs gagnent leur vie ».
Au lieu d’accepter de bonne grâce les excuses de Sitting Bull, les membres de la commission l’attaquèrent. Le sénateur John Logan lui reprocha d’avoir interrompu le conseil précédent et accusé les membres du comité d’être saouls. « J’ajouterais que tu n’es pas un grand chef dans ce pays, poursuivit Logan, que tu n’as ni partisans, ni pouvoir, ni autorité, ni aucun droit de contrôler quoi que ce soit. Tu es sur une réserve indienne grâce au bon vouloir du gouvernement. Tu es nourri par le gouvernement, vêtu par le gouvernement, tes enfants sont éduqués par le gouvernement, et tout ce que tu es ou possèdes aujourd’hui, tu le dois au gouvernement. Sans lui, tu serais en train de mourir de faim et de froid dans les montagnes. Ces choses, je te les dis simplement pour t’avertir que tu n’as pas le droit d’insulter le peuple des États-Unis d’Amérique ou ceux qui le représentent. (…) Le gouvernement nourrit, habille et éduque tes enfants maintenant, et veut vous apprendre à devenir fermiers. Il veut vous civiliser, faire de vous des hommes blanc. »
Afin d’accélérer le processus qui transformerait les Sioux en Blancs, le Bureau des Affaires indiennes plaça James McLaughlin à la tête de l’agence de Standing Rock. McLaughlin, Cheveux-Blancs comme les Indiens l’appelaient, était un vétéran du Bureau, marié à une métisse santee, et ses supérieurs lui faisaient confiance pour détruire avec efficacité la culture des Sioux et la remplacer par la civilisation des Blancs. Après le départ de la commission Dawes, McLaughlin tenta de réduire l’influence de Sitting Bull en traitant avec Gall pour toutes les questions concernant les Hunkpapas, et avec John Grass pour les Blackfoots. Chacune de ses manœuvres était calculée pour reléguer Sitting Bull à l’arrière-plan et montrer aux Sioux de Standing Rock que leur vieux héros était incapable de les diriger ou de les aider.
Ses manigances n’eurent pas le moindre effet sur la popularité de Sitting Bull auprès des Sioux. Tous ceux, Blancs ou Indiens, qui venaient visiter la réserve voulaient le voir. L’été 1883, lorsque le Northern Pacific Railroad voulut fêter la pose du dernier clou de ses voies transcontinentales, l’un des responsables chargés de l’organisation des cérémonies jugea qu’il serait juste qu’un chef indien soit présent pour adresser un discours de bienvenue au Grand Père et aux autres notables. Le choix de Sitting Bull s’imposait – on n’envisagea même pas de faire appel à un autre Indien que lui. Un jeune officier de l’armée qui comprenait la langue sioux se vit confier la tâche de travailler avec lui à la préparation de son discours, qui serait prononcé en sioux et traduit.
Le 8 septembre, Sitting Bull et le jeune officier arrivèrent à Bismarck pour la grande cérémonie. Ils chevauchèrent en tête de la parade, puis s’installèrent sur la plate-forme d’où seraient prononcés les discours. Sitting Bull, présenté au public, se leva et commença à parler en sioux. Mais quelle ne fut pas la consternation de son jeune interprète ! En effet, Sitting Bull avait fortement modifié le discours fleuri qu’ils avaient préparé ensemble. « Je déteste tous les Blancs, déclara-t-il. Vous êtes des voleurs et des menteurs. Vous avez pris nos terres et avez fait de nous des parias. » Sachant qu’il n’y avait qu’une seule personne capable de le comprendre, le chef hunkpapa marqua des temps d’arrêt pour laisser le public
Weitere Kostenlose Bücher