Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
exilés sioux était évoqué. Aucune aide de quelque sorte ne leur fut proposée – pas même de la nourriture ou des vêtements ; ils durent endurer les hivers rigoureux sans abris ni couvertures. Le gibier était rare, la viande manquait, de même que les peaux pour faire des vêtements et des tipis. Les jeunes semblaient souffrir du mal du pays plus que les anciens « Nous avons commencé à regretter notre terre où nous étions heureux autrefois », déclara l’un des jeunes Oglalas. Peu à peu, quelques familles affamées et en guenilles traversèrent la frontière pour faire leur reddition dans les agences sioux du Dakota.
Sitting Bull supplia les Canadiens d’accorder à son peuple une réserve où ils pourraient subvenir à leurs propres besoins. À chaque fois, on lui répondit qu’il n’était pas un sujet britannique et que par conséquent, il n’avait pas droit à une réserve. Au cours de l’hiver 1880, qui fut particulièrement dur, de nombreux chevaux sioux moururent de froid. Au printemps suivant, le nombre d’exilés qui partaient vers le sud à pied augmenta. Plusieurs des lieutenants les plus fidèles de Sitting Bull, dont Gall et Crow King, se résignèrent à gagner la Grande Réserve Sioux.
Enfin, le 19 juillet 1881, Sitting Bull et cent quatre-vingts de ses partisans traversèrent la frontière et entrèrent à cheval dans Fort Buford. Le chef portait une chemise de calicot en lambeaux, une paire de jambières en piteux état, et une couverture sale. L’air vieux et défait, il remit sa Winchester au commandant de la place. L’armée, au lieu de l’envoyer à l’agence hunkpapa de Standing Rock, le retint prisonnier à Fort Randall, lui refusant ainsi la grâce qui lui avait été promise.
Le retour de Sitting Bull fut relégué à l’arrière-plan par l’annonce à la fin de l’été 1881 de l’assassinat de Spotted Tail, tué non par un Blanc, mais par l’un des membres de sa propre tribu, Crow Dog, alors qu’il chevauchait sur une piste dans la réserve de Rosebud.
Les responsables blancs de la réserve minimisèrent le meurtre en l’attribuant à une dispute au sujet d’une femme. Mais pour les amis de Spotted Tail, c’était le résultat d’un complot ayant pour but d’ébranler le pouvoir des chefs et de le transférer à des hommes qui se plieraient à la volonté des agents du Bureau des Affaires indiennes. D’après Red Cloud, on avait dégoté un lâche assassin pour éliminer Spotted Tail parce que ce dernier se battait ardemment pour le développement de son peuple. « Le crime a été mis sur le dos des Indiens parce qu’un Indien l’avait commis, expliqua-t-il, mais cet Indien, qui l’a poussé ? »
Une fois passé le scandale provoqué par la mort de Spotted Tail, les Sioux s’intéressèrent à la présence de Sitting Bull à Fort Randall. De nombreux chefs vinrent le voir, lui souhaiter bonne chance et l’honorer. Les journalistes voulurent l’interviewer. Loin d’être battu et oublié de tous comme il l’avait craint, Sitting Bull était devenu célèbre. En 1882, des représentants des différentes agences sioux se rendirent dans sa prison pour lui demander son avis au sujet d’une nouvelle proposition du gouvernement de diviser la réserve et d’en vendre environ la moitié à des colons blancs. Il leur conseilla de refuser, la tribu ne pouvant se passer d’aucune de ces terres.
Cette année-là, les Sioux, malgré leur résistance, faillirent bien perdre vingt-trois mille kilomètres carrés de territoire à cause des manœuvres d’une commission dirigée par Newton Edmunds, grand expert en matière de vol des terres indiennes par voie de négociation. Il avait pour collègues Peter Shannon, un avocat de la Frontière, et James Teller, frère du nouveau Secrétaire à l’Intérieur. Tous trois étaient accompagnés d’un « interprète spécial » en la personne du révérend Samuel D. Hinman lui-même, missionnaire auprès des Sioux depuis l’époque de Little Crow. Hinman était convaincu que ce qu’il fallait aux Indiens, c’était moins de terres et plus de sentiments chrétiens.
À chaque agence où la commission se rendit, Hinman expliqua aux chefs qu’il était là pour répartir différentes sections de la réserve entre les six agences. C’était une nécessité, affirma-t-il, afin que les Indiens puissent s’approprier les terres en question et les conserver aussi longtemps qu’ils vivraient.
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