Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890

proposé. Ainsi que l’avait dit White Thunder à la commission Dawes six ans auparavant, la terre était pour eux « la chose la plus précieuse au monde ».
    Après plusieurs jours de vaines palabres, Crook comprit qu’il ne pourrait gagner personne à sa cause dans le cadre d’un grand conseil. Il confia à l’agent James McLaughlin la tâche de convaincre individuellement les Indiens que le gouvernement leur prendrait leurs terres s’ils refusaient de les vendre. Sitting Bull campa sur ses positions. Pourquoi les Indiens devraient-ils vendre leurs terres pour épargner au gouvernement américain la honte de rompre un traité ?
    McLaughlin organisa des rencontres secrètes avec John Grass. « J’ai discuté avec lui jusqu’à ce qu’il accepte de se faire l’avocat de la ratification, devait expliquer l’agent par la suite. Enfin, nous avons préparé le discours qu’il devait faire pour exposer son changement de position avec habileté, afin de lui attirer le soutien effectif des autres chefs et régler la question. »
    McLaughlin organisa une dernière rencontre avec la commission le 3 août, sans en informer Sitting Bull. Il disposa ses policiers indiens par formations de quatre colonnes autour de l’endroit où se tenait le conseil afin d’empêcher toute interruption par Sitting Bull ou l’un de ses partisans. John Grass avait déjà prononcé son discours, que l’agent l’avait aidé à rédiger, lorsque Sitting Bull, forçant les rangs des policiers, arriva.
    Cette fois-ci, il prit la parole. « J’aimerais dire quelque chose, à moins que vous y voyiez une objection, auquel cas, je me tairai. Personne ne nous parlé de ce conseil, et nous venons d’arriver.
    — Sitting Bull savait-il que nous allions tenir conseil ? demanda Crook en se tournant vers McLaughlin.
    — Oui, Monsieur, mentit McLaughlin. Bien sûr, tout le monde était au courant. »
    À ce moment-là, John Grass et les chefs s’avancèrent pour signer l’accord. C’était fini. La Grande Réserve Sioux fut divisée en parcelles qui se retrouveraient bientôt noyées au milieu d’un océan d’immigrants blancs. Avant que Sitting Bull ne quitte les lieux, un journaliste lui demanda ce que les Indiens pensaient de la cession de leurs terres.
    « Les Indiens ! hurla le chef hunkpapa. Il n’y a plus d’indiens ! Je suis le dernier ! »
    Le 9 octobre 1890, à la Lune-où-l’herbe-sèche, à peu près un an après le démantèlement de la Grande Réserve, un Minicon-jou de l’agence de Cheyenne River vint à Standing Rock pour voir Sitting Bull. Il s’appelait Kicking Bear et apportait des nouvelles du Messie paiute, Wovoka, fondateur de la religion de la danse des Esprits. Il revenait d’un long voyage entrepris avec son beau-frère, Short Bull, au-delà des Shining Mountains à la recherche du messie. Informé de cette quête, Sitting Bull avait demandé que l’on fasse venir Kicking Bear afin d’en savoir plus.
    Kicking Bear raconta à Sitting Bull qu’une voix lui avait commandé de partir à la rencontre des esprits des Indiens qui devaient revenir habiter la terre. Avec Short Bull et neuf autres Sioux, il avait pris un wagon du cheval de fer et voyagé jusqu’à l’endroit où le soleil se couche et où la voie ferrée s’arrête. Ils avaient été abordés par deux Indiens qu’ils n’avaient jamais vus, mais qui les avaient salués comme des frères et leur avaient donné de la viande et du pain, ainsi que des montures. Ils avaient chevauché pendant quatre soleils jusqu’à un campement de Mangeurs-de-poissons, c’est-à-dire de Paiutes, près de Pyramid Lake dans le Nevada.
    Les Paiutes expliquèrent à leurs visiteurs que le Christ était redescendu sur terre. C’était certainement lui qui les avait fait venir ici, déclara Kicking Bear. Tout avait été décrété à l’avance. Afin de voir le Messie, ils devaient entreprendre un autre voyage jusqu’à l’agence de Walker Lake.
    Kicking Bear et ses amis attendirent deux jours à Walker Lake en compagnie de plusieurs centaines d’indiens qui parlaient des dizaines de langues différentes et avaient quitté leur réserve pour venir voir le Messie.
    Le Christ apparut le troisième jour, juste avant le coucher du soleil. Les Indiens firent un grand feu pour l’éclairer. Kicking Bear s’était toujours imaginé que le Messie était un Blanc comme les missionnaires. Or, l’homme qui apparut ressemblait à un Indien. Au bout de