Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
il l’entendait. Les deux autres groupes sont arrivés aux abords du fort à peu près au même moment, et nous en avons vu passer à l’ouest, avec Little Crow sur un mustang noir. Le signal a été tiré par notre groupe, celui de Medicine Bottle. Les guerriers qui venaient de l’est, du sud et de l’ouest se sont avancés lentement. Tout en tirant, nous nous sommes rués vers le bâtiment qui se trouvait près de la grande construction en pierre. Nous avons vu l’homme qui s’occupait des gros fusils, un Blanc que nous connaissions tous, et comme nous étions les seuls en vue, il nous a visés. Il s’était préparé en entendant les détonations provenant de notre groupe. Si les hommes de Little Crow avaient tiré dès notre signal, les soldats qui faisaient feu sur nous auraient été tués. Deux de nos guerriers ont été abattus et trois blessés, dont deux devaient succomber plus tard. Nous avons couru vers le ruisseau sans savoir si les soldats nous suivraient ou pas. En fait, c’est ce qu’ils ont fait, et si nous l’avions su, nous aurions tiré en même temps et les aurions tous tués, étant donné qu’ils se trouvaient alors dans un endroit découvert entre les bâtiments. Contrairement aux Blancs, nous ne nous battions pas sous les ordres d’un officier ; chacun tirait comme bon lui semblait. L’idée de foncer dans les bâtiments a été abandonnée, et nous avons visé les fenêtres, surtout celles de la grande construction en pierre, car nous pensions que la majeure partie des Blancs s’y trouvait.
« Nous ne pouvions pas les voir, si bien que nous ne savions pas si nous en avions tué ou pas. Pendant la fusillade, nous avons tenté de mettre le feu aux bâtiments avec des flèches enflammées, sans succès, si bien qu’il nous a fallu nous procurer encore plus de poudre et de balles. Le soleil était levé depuis à peu près deux heures quand nous avons contourné le fort par l’ouest et décidé de rentrer au village de Little Crow avant de reprendre les combats le lendemain (…).
« Environ quatre cents Indiens ont participé à cette attaque. Il n’y avait aucune femme parmi eux. Ils ont tous passé la soirée au village de Little Crow. Le repas a été préparé par des garçons âgés de dix à quinze ans, trop jeunes pour aller se battre. »
Au cours de cette soirée passée dans le village, Little Crow et Big Eagle songèrent avec découragement qu’ils n’avaient pas réussi à s’emparer de la « maison des soldats ». Big Eagle s’opposa à l’idée d’un deuxième assaut. Les Santees ne disposant pas de suffisamment de guerriers pour s’emparer des canons, leurs pertes seraient trop lourdes en cas de nouvelle attaque. Little Crow annonça qu’il prendrait sa décision plus tard. En attendant, tous devaient fabriquer autant de balles que possible ; il restait une grande quantité de poudre prise dans les réserves de l’agence.
Plus tard, la situation évolua : quatre cents guerriers wahpe-tons et sissetons venus de Lower Agency vinrent proposer aux Mdewkantons leur aide contre les Blancs. Little Crow exulta. Les Santees retrouvaient leur unité et, avec huit cents guerriers, seraient suffisamment nombreux pour prendre Fort Ridgely. Il convoqua un conseil de guerre et donna des ordres stricts pour les combats du lendemain. Cette fois-ci, les Indiens ne devaient pas échouer.
« Nous avons pris le départ le 22 août au petit matin, raconte Lightning Blanket, mais l’herbe était trempée par la rosée, plus que le jour de la première attaque. Aussi le soleil était-il assez haut dans le ciel, et nous n’avions encore que peu progressé. Il était presque midi lorsque nous avons atteint le fort (…). Cette fois-ci, nous ne nous sommes pas arrêtés pour manger. Chaque guerrier avait emporté de la nourriture dans son écharpe et l’a mangée au milieu de la journée, pendant les combats. »
D’après Big Eagle, la seconde bataille à Fort Ridgely fut impressionnante. « Nous étions résolus à nous emparer du fort, car nous savions que c’était capital pour nous. En cas de réussite, nous aurions pu très rapidement contrôler toute la vallée du Minnesota. »
Cette fois-ci, au lieu de s’aventurer près du fort, les guerriers santees accrochèrent des touffes d’herbe et des fleurs à leur bandeau pour se dissimuler puis, en rampant au fond des ravines et à travers les broussailles, se rapprochèrent suffisamment du fort pour
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