Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
les Blancs, afin de les chasser de la vallée du Minnesota. Le moment était propice, affirmaient-ils, parce que beaucoup de Tuniques Bleues étaient parties se battre contre les Grises. Pour Little Crow, ce genre d’argument était stupide. Il était allé dans l’Est et avait mesuré la puissance des Américains. Ils grouillaient de partout, telle une nuée de criquets, et pouvaient détruire leurs ennemis grâce à leurs canons qui grondaient comme le tonnerre. Non, l’idée de faire la guerre aux Blancs ne tenait pas debout.
Le dimanche 17 août, Little Crow assista à la messe à l’église épiscopalienne de Lower Agency. Le sermon était prononcé par le révérend Samuel Hinman. À la fin du service, le vieux chef serra la main des autres fidèles et rentra chez lui, à trois kilomètres en aval.
Dans la nuit, il fut réveillé par des voix, dont celle de Shako-pee. Plusieurs Santees entrèrent bruyamment dans sa chambre. Quelque chose d’extrêmement important, dirent-ils, était arrivé. Il y avait là Makato, Medicine Bottle et Big Eagle. Ils attendaient l’arrivée imminente de Wabasha, afin de pouvoir tenir conseil.
Quatre jeunes hommes affamés de la bande de Shakopee avait traversé la rivière dans l’après-midi pour aller chasser dans les Big Woods. Là, il s’était produit un événement très grave, raconté plus tard de la manière suivante par Big Eagle : « Ils sont arrivés près de la clôture de la ferme d’un colon. Là, ils ont trouvé un nid de poule avec des œufs dedans. L’un d’eux était en train de les ramasser quand un autre a dit : “Ne les prends pas. Ils appartiennent à un Blanc, et nous pourrions avoir des ennuis.” Mais le premier s’est fâché, parce qu’il avait très faim et voulait manger les œufs. Alors, il les a jetés par terre et a répondu : “Tu es un lâche. Tu as peur de l’homme blanc. Tu as même peur de lui voler un œuf, alors que tu crèves de faim. Oui, tu es un lâche, et je vais le dire à tout le monde.” L’autre a répliqué : “Je ne suis pas un lâche. Je n’ai pas peur de l’homme blanc, et pour te le montrer, je vais aller chez lui et l’abattre. Es-tu suffisamment brave pour me suivre ?” “Oui, je viens avec toi, a dit le premier, et alors nous verrons qui de nous deux est le plus courageux.” “Nous venons avec vous, ont annoncé leurs deux compagnons, et nous serons courageux nous aussi.” Alors, ils se sont tous approchés de la maison de l’homme blanc, mais celui-ci, voyant le danger, s’est enfui dans une autre maison où il y avait des hommes et des femmes blancs. Les quatre Indiens l’ont suivi et ont tué trois hommes et deux femmes. Puis ils ont pris un attelage qui appartenait à un autre colon et sont rentrés au camp de Shakopee (…) où ils ont raconté ce qu’ils avaient fait. »
Lorsqu’il apprit le meurtre des cinq Blancs, Little Crow réprimanda les quatre jeunes Indiens puis, sur un ton sarcastique, demanda à Shakopee et aux autres pourquoi ils venaient lui demander conseil à lui alors qu’ils s’étaient choisi comme porte-parole Traveling Hail. Les chefs assurèrent Little Crow qu’il demeurait leur chef de guerre. À cause des meurtres commis, c’était maintenant la vie de chaque Santee qui était menacée. L’homme blanc avait coutume de faire payer à tous les Indiens les crimes de quelques-uns. Aussi, autant frapper les premiers, sans attendre que les soldats viennent les tuer. Et mieux valait attaquer les Blancs maintenant, pendant qu’ils se battaient entre eux tout là-bas vers le sud.
Ces arguments ne convainquirent pas Little Crow. Les Blancs étaient trop puissants, affirma-t-il, tout en convenant que la vengeance des colons serait d’autant plus implacable que des femmes avaient été tuées. D’après le fils de Little Crow, qui assistait au conseil, le visage de son père devint de plus en plus défait et de grosses gouttes de sueur perlèrent sur son front.
Enfin, l’un des jeunes braves s’exclama : « Ta-oya-te-duta [Little Crow] est un lâche ! »
C’était ce même terme, lancé comme un défi au jeune homme qui avait peur de voler les œufs de l’homme blanc, qui avait provoqué les meurtres. « Lâche » n’était pas un mot qu’un chef sioux pouvait prendre à la légère, même s’il avait déjà adopté en partie les mœurs des Blancs.
Little Crow répondit, comme le raconterait par la suite son jeune fils : « Ta-oya-te-duta
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