Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
un troisième fort sur la route Bozeman – Fort C. F. Smith. Dans le même temps, il chargea les éclaireurs Bridger et Beckwourth d’établir un contact avec Red Cloud. Il s’agissait là d’une tâche difficile, mais les deux trappeurs vieillissants se mirent néanmoins en quête d’intermédiaires aux dispositions amicales.
Dans un village crow au nord des Bighorns, Bridger obtint des informations pour le moins surprenantes. Alors que les Sioux étaient les ennemis héréditaires des Crows, qu’ils avaient chassés de leurs territoires de chasse giboyeux, Red Cloud lui-même était venu au village peu de temps auparavant pour une visite de conciliation, dans l’espoir de persuader la tribu de se rallier à son alliance indienne. « Nous voulons que vous nous aidiez à détruire les Blancs », leur aurait-il dit. Le chef sioux avait alors déclaré qu’il couperait les voies d’approvisionnement des soldats à l’arrivée de la neige, que poussés par la faim, ceux-ci seraient forcés de sortir des forts et qu’alors il les tuerait tous. Bridger entendit des rumeurs faisant état de quelques Crows ayant accepté de rejoindre les guerriers de Red Cloud, mais quand il retrouva Beckwourth dans un autre village crow, celui-ci lui affirma être en train de recruter des Crows prêts à se battre aux côtés des soldats de Carrington contre les Sioux. (Beckwourth ne devait jamais retourner à Fort Phil Kearny. Il mourut subitement dans le village crow, empoisonné par un mari jaloux d’après certains, mais plus probablement de causes naturelles.)
À la fin de l’été, Red Cloud disposait d’une force de trois mille guerriers. Grâce à leurs amis, Ceux-qui-traînent-à-Laramie, les Indiens parvinrent à constituer un petit arsenal de fusils et de munitions, même si la majorité des guerriers n’étaient armés que d’arcs et de flèches. Au début de l’automne, Red Cloud et les autres chefs décidèrent de concentrer leurs forces contre Petit-Chef-Blanc et le fort tant exécré qu’il avait installé entre les Pineys. C’est ainsi qu’avant l’arrivée des Lunes-Froides, ils se mirent en route pour les Bighorns et installèrent leurs campements près des sources de la Tongue, à une distance qui leur permettait de lancer facilement des attaques sur Fort Phil Kearny.
Au cours des raids de l’été, deux Oglalas, High Back Bone et Yellow Eagle, se firent connaître pour les stratagèmes méticuleusement préparés qui leur permettaient de berner les soldats, ainsi que pour leurs qualités de cavaliers intrépides et la façon audacieuse dont ils combattaient au corps à corps les Blancs qu’ils avaient piégés. Il leur arrivait de préparer leurs coups avec le jeune Crazy Horse. Au tout début de la Lune-des-arbres-qui-éclatent, ils commencèrent à attirer dans leurs traquenards les soldats qui coupaient des arbres dans la pinède ou gardaient les chariots transportant le bois jusqu’à Fort Phil Kearny.
Le 6 décembre, alors que l’air frais descendait des pentes des Bighorns, High Back Bone et Yellow Eagle postèrent une centaine de guerriers çà et là le long de la route traversant la pinède. Red Cloud et un autre groupe, qui avaient pris position sur les crêtes, avaient pour mission de leur signaler avec des miroirs et des drapeaux les mouvements des troupes. Le stratagème marcha si bien qu’avant la fin de la journée, les Tuniques Bleues filaient en tous sens, ne sachant plus où donner de la tête. Petit-Chef-Blanc Carrington lui-même se lança dans une course-poursuite inutile. Au moment le plus propice, Crazy Horse mit pied à terre et se planta au beau milieu de la piste devant l’un des bouillants officiers de cavalerie de Carrington, qui se lança derechef à sa poursuite à la tête d’une file de soldats. Dès que les Tuniques Bleues se retrouvèrent échelonnées le long de la piste étroite, Yellow Eagle et ses guerriers surgirent de leurs cachettes derrière eux. En quelques secondes, les soldats furent submergés. (C’est au cours de cette bataille que le lieutenant Horatio Bingham et le sergent G. R. Bowers furent tués et plusieurs soldats blessés.)
Retournés dans leurs villages, les chefs et les guerriers se moquèrent des réactions imbéciles des Tuniques Bleues. Red Cloud était certain que s’ils parvenaient à attirer les soldats, même nombreux, à l’extérieur du fort, un millier d’indiens armés simplement d’arcs et de flèches
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