Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
pourraient tous les tuer. Dans le courant de la semaine, les chefs se mirent d’accord pour préparer un grand piège pour Petit-Chef-Blanc et ses troupes après l’arrivée de la pleine lune.
La troisième semaine de décembre, les préparatifs étaient au point. Deux mille guerriers environ levèrent le camp et suivirent la Tongue en direction du sud. Comme il faisait extrêmement froid, les braves portaient leurs manteaux en peau de bison avec les poils à l’intérieur, des jambières en laine sombre et des mocassins qui montaient haut sur les mollets. Ils avaient attaché à leurs selles des couvertures rouges de la Compagnie de la baie d’Hudson (18) . La plupart chevauchaient des bêtes de bât et menaient leurs agiles mustangs par des lassos. Si certains avaient des fusils, les autres étaient en général armés simplement d’arcs, de flèches, de couteaux et de lances. Ils avaient emporté suffisamment de pemmican pour plusieurs jours, et dès que se présentait une occasion, ils quittaient la piste par petits groupes pour aller tuer un cerf et rapporter autant de viande qu’ils pouvaient en prendre sur leurs selles.
À dix-sept kilomètres environ de Fort Phil Kearny, ils établirent un campement provisoire formé de trois cercles, sioux, cheyenne et arapaho, et séparé du fort par l’espace choisi comme lieu de l’embuscade – la petite vallée d’un cours d’eau appelé Peno Creek.
Le matin du 21 décembre, les chefs et les hommes-médecine décidèrent que le jour était favorable pour une victoire. Dès les premières lueurs grises de l’aube, un groupe de guerriers chargés de faire une feinte se dirigea vers le convoi de chariots transportant le bois, tout en demeurant à distance respectable. Dix jeunes gens, avec à leur tête Crazy Horse, Hump et Little Wolf, avaient été choisis pour la tâche dangereuse d’attirer les soldats – deux Cheyennes, deux Arapahos et deux membres de chacun des grands groupes de Sioux, les Oglalas, les Miniconjous et les Brûlés. Alors que les dix « appâts » enfourchaient leurs mustangs et prenaient la direction de Lodge Trail Ridge, le groupe principal descendit la piste Bozeman. Il y avait des plaques de neige et de glace sur les versants ombragés des crêtes, mais la journée était ensoleillée et l’air froid et sec. À environ cinq kilomètres du fort, à un endroit où la route longeait une arête étroite et descendait sur la rivière, les Indiens préparèrent leur grande embuscade, les Cheyennes et les Arapahos se chargeant du côté ouest, tandis que certains des Sioux se cachaient dans une prairie de l’autre côté et que d’autres, restés à cheval, se dissimulaient entre deux arêtes rocheuses. En milieu de matinée, environ deux mille guerriers attendaient, tapis, que les « appâts » attirent les Tuniques Bleues dans le piège.
Tandis que le groupe principal se cachait pour piéger le convoi de bois, Crazy Horse et ses camarades mirent pied à terre et attendirent, cachés, sur une pente en face du fort. Au premier coup de feu, une compagnie de soldats se précipita hors du fort pour porter secours à leurs camarades. Dès qu’ils furent hors de vue, les « appâts » s’approchèrent du fort en se montrant. Crazy Horse agita sa couverture rouge en surgissant des broussailles qui longeaient le cours d’eau gelé. Au bout de quelques minutes de ce jeu-là, Petit-Chef-Soldat fit tirer son gros canon à deux coups. Les Indiens se dispersèrent sur la pente, qui courant, qui zigzagant, qui hurlant pour faire croire aux soldats qu’ils avaient très peur. À ce stade-là, le groupe principal avait abandonné le convoi de bois et était reparti vers Lodge Trail Bridge, poursuivi quelques minutes plus tard par des soldats à pied ou à cheval. (Ces derniers étaient commandés par le capitaine William. J. Fetterman, qui avait pourtant reçu l’ordre explicite de ne pas poursuivre les Indiens au-delà de Lodge Trail Bridge.)
Crazy Horse et ses camarades enfourchèrent alors leurs mustangs et se mirent à sillonner les pentes de Lodge Trail Bridge en narguant les soldats et en les mettant dans un tel état d’éner-vement qu’ils finirent par tirer n’importe comment. Devant les balles qui ricochaient sur les rochers, les Indiens reculèrent lentement. Lorsque les soldats ralentissaient l’allure ou s’arrêtaient un instant, Crazy Horse mettait pied à terre et, dédaignant les balles qui sifflaient autour de
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