Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890

envoyés aux forts de la vallée de la Powder, et une nouvelle commission dépêchée à Fort Laramie.
    On plaça à sa tête Moustaches-Noires John Sanborn, celui-là même qui en 1865 avait persuadé Black Kettle et les Cheyennes du Sud d’abandonner leurs territoires de chasse du Kansas pour s’installer au sud de l’Arkansas River. Sanborn et le général Alfred Sully arrivèrent à Fort Laramie en avril 1867, avec pour mission cette fois-ci de convaincre Red Cloud et les Sioux de céder leurs territoires de chasse de la Powder et de vivre sur une réserve. Comme l’année précédente, les Brûlés – Spotted Tail, Swift Bear, Standing Elk et Iron Shell – furent les premiers arrivés.
    Little Wound et Pawnee Killer, qui avaient descendu la Platte avec leurs bandes d’Oglalas dans l’espoir de trouver des bisons, vinrent voir quel genre de présents les envoyés du gouvernement distribueraient. Man-Afraid-of-His-Horses se présenta en tant que représentant de Red Cloud. Quand la commission lui demanda si le chef oglala viendrait parler de paix, Man-Afraid répondit qu’il s’y refuserait tant que les soldats n’auraient pas tous quitté la vallée de la Powder.
    Au cours des pourparlers, Spotted Tail, auquel Sanborn avait demandé de s’adresser aux Indiens rassemblés, leur conseilla d’abandonner la guerre contre les Blancs et de vivre dans la paix et le bonheur. Pour cela, lui et les Brûlés reçurent suffisamment de poudre et de plomb pour aller chasser le bison dans la vallée de la Republican. Par contre, les Oglalas, hostiles, repartirent les mains vides. Man-Afraid alla rejoindre Red Cloud, qui avait déjà repris les raids le long de la piste Bozeman. Little Wound et Pawnee Killer suivirent les Brûlés jusqu’aux terres à bisons, où ils retrouvèrent leur vieil ami cheyenne Turkey Leg. La commission pour la paix de Moustaches-Noires Sanborn n’avait rien accompli.
    Au cours de l’été, Pawnee Killer et Turkey Leg établirent des relations avec un chef soldat qu’ils surnommèrent Derrière-Dur pour sa capacité à les suivre sur de longues distances et pendant plusieurs heures sans quitter sa selle. Plus tard, ils l’appelleraient Longue-Chevelure Custer. Sur son invitation, ils acceptèrent de venir à Fort McPherson pour des pourparlers. On leur offrit du sucre et du café. Ils expliquèrent alors à Derrière-Dur qu’ils étaient les amis des Blancs mais n’aimaient pas le « cheval de fer » qui sifflait, crachait de la fumée et faisait fuir le gibier de la vallée de la Platte. (En 1867, on était en train de construire les voies de l’Union Pacific Railroad dans la partie nord du Nebraska.)
    Cet été-là, en chassant le bison et l’antilope, les Oglalas et les Cheyennes traversèrent plusieurs fois les rails du chemin de fer. Ils apercevaient parfois des trains tirant à grande vitesse des maisons en bois montées sur roues, et se demandaient ce que ces maisons pouvaient bien contenir. Un jour, un Cheyenne décida d’en attraper un au lasso et de le faire sortir des rails. Or ce fut le cheval-de-fer qui le fit tomber de son mustang et le traîna sans ménagement jusqu’à ce qu’il puisse se libérer.
    Sleeping Rabbit suggéra alors une autre façon de procéder. « Si nous arrivions à plier les rails et à les écarter, alors peut-être le cheval-de-fer tomberait, dit-il. Ainsi, nous pourrions voir ce qu’il y a dans ces maisons en bois qui roulent. » Ainsi fut fait. Comme de bien entendu, le cheval de fer se coucha sur le flanc, et il en sortit beaucoup de fumée. Des hommes s’échappèrent en courant. Les Indiens les tuèrent tous, à l’exception de deux qui se sauvèrent. Alors, les Indiens enfoncèrent les parois des maisons sur roues, dans lesquelles ils trouvèrent des sacs de farine, de sucre et de café, des boîtes de chaussures, des rouleaux de tissu et des tonneaux de whisky. Après avoir bu quelques rasades d’alcool, ils attachèrent les tissus aux queues de leurs mustangs. Les bêtes partirent au galop à travers la prairie, suivies de longs serpentins de tissu ondulant et volant au vent. Plus tard, les Indiens utilisèrent des charbons ardents pris dans la chaudière détruite pour mettre le feu aux voitures. Puis ils s’en allèrent avant que les soldats puissent riposter.
    De tels incidents, auxquels il convient d’ajouter la guérilla incessante menée par Red Cloud, à cause de laquelle les voyages de civils dans la vallée de la