Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
discussions, celui-ci les convoqua pour un conseil de nuit – un mauvais présage pour les Indiens.
« Je ne vois pas beaucoup de chefs présents ce soir, se plaignit Hancock. Quelle en est la raison ? J’ai beaucoup de choses à dire aux Indiens, mais je veux leur parler à tous ensemble (…) Demain, je viendrai vous rendre visite. » La perspective ne plut guère aux Cheyennes. Dans le village se trouvaient leurs femmes et leurs enfants – dont beaucoup étaient des survivants de l’atroce massacre de Sand Creek perpétré trois ans auparavant. Hancock allait-il leur tomber dessus avec ses mille quatre cents hommes et ses canons ? Assis autour du feu dont les flammes se reflétaient en dansant sur leurs visages graves, les chefs attendirent en silence que le général reprenne la parole. « J’ai entendu dire que de nombreux Indiens veulent se battre. Très bien. Nous sommes là, et nous nous sommes préparés à la guerre. Si vous êtes pour la paix, vous en connaissez les conditions. Si vous êtes pour la guerre, prenez garde aux conséquences. » Alors il parla du chemin de fer. Les Indiens avaient entendu dire que la piste de fer allait dépasser Fort Riley et se dirigeait droit vers la vallée de la Smoky Hill.
« L’homme blanc arrive si vite dans cette région que rien ne peut l’arrêter, claironna Hancock. Il vient de l’est, il vient de l’ouest, comme le feu dans la prairie par vent fort. Rien ne peut l’arrêter. Pourquoi ? Parce que les Blancs sont nombreux et qu’ils se déploient. Ils ont besoin d’espace, ils n’y peuvent rien. Ceux qui habitent au bord de l’océan à l’ouest veulent communiquer avec ceux qui habitent au bord de l’océan à l’est, et c’est la raison pour laquelle ils construisent ces routes, ces pistes pour les chariots, ces voies pour les trains, et le télégraphe (…). Vous devez retenir vos jeunes braves, les éloigner des routes (…). Je n’ai plus rien à ajouter. Je vais attendre la fin du conseil, pour savoir si vous voulez la paix ou la guerre. »
Sur ce, Hancock s’assit, le visage plein d’attente, pendant que l’interprète traduisait ses dernières paroles. Les Cheyennes demeurèrent un moment silencieux, le regard fixé au-delà des flammes sur le général et ses officiers. Enfin, Tall Bull alluma une pipe qu’il fit passer autour de lui après avoir rejeté la fumée. Puis il se mit debout, releva sa couverture rouge et noir afin de libérer son bras droit, et tendit la main vers Vieil-Homme-Tonnerre.
« Tu as voulu nous voir, dit-il. Alors nous sommes venus (…). Nous n’avons jamais fait aucun mal à l’homme blanc ; nous n’en avons pas l’intention. Notre agent, le colonel Wynkoop, nous a dit de te retrouver ici. Tu peux aller dans la vallée de la Smoky Hill quand tu veux ; tu peux emprunter n’importe quelle route. Tes jeunes soldats ne doivent pas nous tirer dessus quand nous nous approchons d’une route. Nous sommes disposés à nouer des liens d’amitié avec l’homme blanc (…). Tu dis que tu viendras dans notre village demain. Si c’est le cas, je n’aurai rien d’autre à te dire là-bas que ce que je te dis ici. J’ai dit tout ce que j’avais à dire. »
Vieil-Homme-Tonnerre se leva et, adoptant de nouveau des manières hautaines, demanda : « Pourquoi Roman Nose n’est-il pas là ? » Les chefs tentèrent de lui expliquer que, certes, Roman Nose était un puissant guerrier, mais qu’il n’était pas chef, et que seuls les chefs avaient été invités au conseil.
« Si Roman Nose ne vient pas me voir, alors c’est moi qui irai, déclara Hancock. Je serai dans votre village demain avec mes troupes. »
Dès la fin de la réunion, Tall Bull s’approcha de Wynkoop pour le supplier d’empêcher Vieil-Homme-Tonnerre d’entrer avec ses hommes dans le campement cheyenne. Il craignait en effet que si jamais les Tuniques Bleues s’approchaient du village, cela ne provoquât des affrontements avec les jeunes et bouillants Dog-Soldiers.
Tel était également l’avis de Wynkoop, qui déclara par la suite : « Je lui [au général Hancock] ai fait part de ce qui à mes yeux risquait de se passer si ses troupes pénétraient le village indien ; mais il refusa de revenir sur sa décision. » La colonne d’Hancock, composée de divisions de cavalerie, d’infanterie et d’artillerie, « avait une allure tout aussi impressionnante et martiale qu’une colonne marchant vers l’ennemi
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